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pés, comme nous, de ce fait étrange que, dans un temps où les modèles des machines anglaises n’existaient pas en France, où il y avait tant d’intérêt pour nous à les obtenir, nos tarifs semblaient les repousser, favorisant ainsi, contre nous-mêmes, la politique de nos rivaux, qui en défendait sévèrement l’exportation. Ils ont pensé avec raison que, loin d’aggraver alors les frais énormes que l’importation entraînait, il eût fallu récompenser, payer ceux qui en avaient couru les risques. Mise en pratique dans ce temps-là, cette suppression des droits que la commission propose eût été convenable et juste, bien qu’insuffisante pour son objet ; mais aujourd’hui elle manquerait son but, et serait, à d’autres égards, d’un effet désastreux. Il ne s’agit plus pour nous d’obtenir les modèles des machines anglaises, puisque nous les possédons. Nous n’avons plus besoin d’arracher à l’Angleterre ses secrets, puisque ces secrets sont connus, non-seulement dans quelques fabriques, mais dans les ateliers de construction. À quoi tendrait donc maintenant la suppression du droit ? Elle n’aurait plus pour but de nous faire obtenir des modèles désormais inutiles, mais de faire des machines anglaises l’objet d’une importation courante. Entendue de cette façon, elle serait aussi impolitique qu’injuste. Tant que l’Angleterre maintiendrait aussi sévèrement qu’elle le fait aujourd’hui la défense d’exporter les machines, la mesure proposée ne serait qu’illusoire, et on le comprendra sans peine ; mais elle serait d’une révoltante injustice du jour où elle sortirait son effet. Ne serait-ce pas violer à l’égard de nos constructeurs tous les principes de l’équité, que de les exposer sans protection à la concurrence anglaise, alors qu’ils ont à payer d’énormes droits sur tous les matériaux dont ils se servent ? Mais la commission n’a pas vu, nous en sommes sûr, les dernières conséquences de la mesure qu’elle propose. Cette mesure ne tendrait à rien moins qu’à mettre le sort de notre industrie à la discrétion du bureau du commerce établi à Londres. On sait que ce bureau a le pouvoir d’autoriser ou de défendre l’exportation des machines à son gré. Eh bien ! si tout droit à l’importation était supprimé en France, ce bureau, muni d’un tel pouvoir, pourrait tour à tour, selon les cas, permettre l’exportation pour ruiner nos constructeurs, ou la défendre pour ruiner nos fabriques. Il tiendrait les écluses, qu’on nous pardonne le mot, et serait maître de nous faire périr à son gré par la sécheresse ou par l’inondation. Une telle situation n’est évidemment pas acceptable aussi croyons-nous que l’erreur de la commission n’aura besoin que d’être signalée. Quant à l’abus dont elle s’est préoccupée avec raison, c’est par d’autres moyens qu’on peut le corriger. Il ne faut pas régler des cas exceptionnels par des mesures générales. Si la commission désire, et à cet égard nous sommes de son avis, qu’à l’avenir les importateurs soient exempts de droits dans les circonstances semblables à celles où nous nous sommes trouvés, qu’elle propose l’établissement en France d’un bureau du commerce à l’instar de celui qui existe à Londres, et auquel appartiendrait le droit d’autoriser l’importation en franchise dans certains cas particuliers.

L’augmentation de droits que la commission propose sur les fils étrangers nous paraît tout-à-fait insuffisante. En évaluant le droit actuel à 3 ou 4 p. 100