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RECHERCHES HISTORIQUES.

jouit du droit d’aller où il veut sans pouvoir être légalement réclamé par aucun maître[1].

Il ne faut pas confondre, dans la classe des hommes libres, les ingénus avec les affranchis, c’est-à-dire les hommes libres de race avec les hommes libres par affranchissement. L’ingenuus était par conséquent d’une condition supérieure à celle du liber, à moins qu’il ne fût tombé dans la servitude, auquel cas le liber était au-dessus de lui.


On peut distinguer trois espèces d’hommes libres, suivant qu’ils ont : 1o liberté, propriété et juridiction ; 2o liberté et propriété sans juridiction ; 3o liberté sans propriété ni juridiction.


I. — La première espèce se compose des hommes libres établis sur leurs propres terres, dont l’administration et, du moins en grande partie, la juridiction leur appartiennent. Les hommes nés de parens illustres, puissans ou riches, et les hommes investis ou sortis de charges considérables, composaient parmi eux ce qu’on peut appeler la noblesse. Tels étaient les sénateurs ou les nobles de Grégoire de Tours, de Fortunat, de Frédégaire, et la plupart des optimales, des primates, des proceres, des potentes, mentionnés dans un nombre infini de textes. Cette noblesse, soit de naissance, soit d’illustration, jouissait, entre autres priviléges, d’une composition plus forte, principalement chez les Saxons et chez les Frisons. Mais, dans un très grand nombre de cas, surtout du IXe au Xe siècle, le titre de nobilis désigne simplement un ingenuus[2] ou un liber. Ces deux derniers termes sont même indifféremment employés l’un pour l’autre, dès les premiers temps de la monarchie. D’autres fois le mot ingenuus semble avoir conservé sa vraie signification. Très souvent il désignait encore soit un affranchi, soit une personne exempte de la capitation, ou qui n’était pas inscrite dans les livres de cens. Enfin, on le donnait aux colons et en général à tout ce qui n’était pas servus.

Les propriétés des hommes libres portaient le nom d’alleux, et ces alleux ne doivent pas être confondus, comme on le verra plus tard, avec les terres saliques.

  1. Eam denique pergat partem, quamcunque volens canonice elegerit ; habensque portas apertas, etc. (Form. Lindenbr., 101.) — Cette formule rappelle ces vers de Plaute, dans Menæchm., v. 7, 39-40

    — Sic sine igitur, si tuum negas me esse, abire liberum.
    — Mea quidem hercle caussa liber esto, atque ito quo voles.

  2. Fecit te liberum non nobilem, quod impossibile est post libertatem. (Thegan., 44.)