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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/273

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REVUE LITTÉRAIRE.

vous faites le procès, sont vos frères, ils sont ce que vous êtes. Embrassez-vous, faites alliance, au lieu de vous quereller : il ne s’agit ici que d’industrie.

Heureusement il est à tout cela, même dans la presse quotidienne, d’honorables exceptions qu’il faut reconnaître et proclamer. Il ne nous appartient pas de dire que la décadence littéraire des journaux produira les mêmes résultats qu’en Angleterre ; mais il est évident que la création des recueils périodiques, en France, a donné aux articles de littérature un caractère plus sérieux, une importance nouvelle. Au XVIIIe siècle, l’Année littéraire et le Mercure étaient presque exclusivement des cahiers périodiques donnant les extraits des livres récens, les évènemens de l’étranger, et quelques énigmes et madrigaux. En y publiant ses Contes moraux un à un, Marmontel était le précurseur un peu fade des modernes auteurs de nouvelles. Sous l’empire, ni la Décade philosophique, ni le Mercure renouvelé, ni même les Archives littéraires qui durèrent peu, mais qui donnaient l’idée déjà d’un recueil sérieux et varié, ne ressemblaient en rien aux Revues actuelles. Les analyses de livres tenaient exclusivement le premier rang, et le reste n’était que miscellanées sans importance, que mélanges complémentaires. C’était toujours le journal à la manière de Chamfort, de La Harpe, de Suard, de l’abbé Aubert. On était bien loin encore du Globe de la restauration. Là, au moins, il y eut une doctrine suivie, un cercle nourri des mêmes principes philosophiques, et par conséquent, avant tout, une polémique vive, intelligente, tout un tournoi et toute une lutte. De là l’importance qu’a déjà le Globe en histoire littéraire. Venue plus tard, au seuil presque de l’établissement de juillet, qui allait rompre l’unité des écoles littéraires, disperser tous les groupes et isoler chacun dans son talent ou dans son orgueil, la Revue des Deux Mondes ne devait accepter servilement aucune tradition précédente, ni recommencer quelque journal mort. Sans prétendre à une originalité exagérée, elle se fit un centre d’études variées, où la science et l’imagination avaient leur part ; à la stricte unité des doctrines, qui n’était plus possible, et qui d’ailleurs l’eût rattachée trop directement, en littérature, à une école exigeante, en politique, à un parti absolu, elle a substitué en toute chose l’examen à l’affirmation ; elle a souvent donné place aux travaux d’écrivains bien différens, aux essais les plus variés du talent. Y avait-il là préoccupation insuffisante du vrai, et l’exclusion théorique eût-elle mieux valu ? Nous ne le pensons pas, et, qu’on nous permette de le dire, le succès de la Revue des Deux Mondes a peut-être tenu un peu à ces dispositions ouvertes et conciliantes qu’elle a toujours montrées, en gardant néanmoins, sur les points importans, sa foi vive, et souvent aussi, on le sait, ses droits de protestation énergique. Par là elle semblait répondre aux tendances modernes, à cette curiosité mobile, éveillée sur tous les points, à cette impartialité que développe le génie critique des époques de transition et d’indifférence, à ce besoin d’études sévères, de travaux graves, à côté de lectures d’imagination, qui sont comme le caractère des générations nouvelles. La Revue des Deux Mondes a eu aussi une autre ambition, élevée et difficile nous l’avouons, mais qui a toujours été son premier désir, son but le plus cher ;