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sagesse, son courage, sa mort, et cet amour toujours vif se prolonge sur la lignée tout entière. Les royales infortunes, si fréquentes, et qui ne sont, dans la réalité des choses, ni plus tristes, ni plus profondes que les obscures misères de chaque jour, excitent en lui une sympathie lyrique et vive. Il les pleure à Damiette comme à Goritz. Mais la ferveur des affections, les espérances amèrement déçues de la foi politique, ont-elles toujours laissé à l’historien une indépendance entière de jugement ? Nous sommes loin de le penser. M. de Villeneuve, d’ailleurs, s’éprend trop facilement de cette poésie des vieux âges, exagérée outre mesure par l’école monarchique et religieuse. Marchangy avec ses ridicules assertions d’honnête paladin, et Dulaure avec sa mauvaise foi insigne, nous semblent tous deux des limites extrêmes, dont il faut s’écarter avec un soin pareil. M. de Villeneuve est bien loin de Dulaure, et il a grandement raison ; mais il me paraît s’être approché un peu trop près de Tristan le Voyageur. Les grandes choses, au moyen-âge, sont toujours tellement voisines de la barbarie, que l’admiration, pour rester juste, a besoin d’être constamment contenue. On pourrait dire encore que trop d’élémens dissemblables, et surtout de travaux de seconde main, ont été consultés pour la rédaction de cette histoire. M. Capefigue, par exemple, le Varillas de ce temps-ci, est invoqué, en bien des pages, près du Journal de l’Institut historique, comme une autorité sérieuse. Cela s’excuserait à peine dans les mémoires de l’académie de Pézenas. À part ces observations, l’Histoire de saint Louis se recommande par des parties estimables. L’auteur a épuisé les textes. Il donne sur l’administration, les mœurs publiques et privées du temps, des détails intéressans et peu connus, et il a le mérite d’être complet. Le récit ne manque pas de netteté, et marche presque toujours directement au but. Les pièces justificatives, rejetées sagement à la fin de chaque volume, peuvent satisfaire la curiosité la plus minutieuse, sans nuire à la forme et à la mise en œuvre. C’est là, ce nous semble, un point essentiel trop négligé par les hommes d’érudition. Qu’importent, en effet, les livres remplis de science, si personne n’a le courage de les lire ? Ils ne fournissent pas longue carrière. On pourrait même, à ce propos, consulter certains membres de l’Académie des Inscriptions, parfaitement étrangers à tout soin de style et d’art ; ils ont dû reconnaître, par l’expérience de leurs savans volumes, la vérité de cette observation.