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GABRIEL.

ASTOLPHE.

Puisque tu méprises tant cette somme, garde donc ton secret ! Je ne suis pas assez riche pour le payer.

FAUSTINA.

Tu es donc encore une fois ruiné, mon pauvre Astolphe ? Eh bien ! moi, j’ai fait fortune. Tiens ! (Elle tire une bourse de sa poche.) Je veux te restituer tes deux cents louis. J’ai eu tort de les jeter aux pauvres. Laisse-moi prendre sur moi cette œuvre de charité ; cela me portera bonheur, et me ramènera peut-être mon infidèle.

ASTOLPHE, repoussant la bourse avec horreur.

C’est donc pour une femme qu’il est ici ? Tu en es certaine ?

FAUSTINA.

Beaucoup trop certaine !

ASTOLPHE.

Et tu la connais, peut-être ?

FAUSTINA.

Ah ! voilà le hic ! Fais apporter d’autres sorbets, si toutefois il te reste de quoi les payer.

(À un signe d’Astolphe on apporte un plateau avec des glaces et des liqueurs.)
ASTOLPHE.

J’ai encore de quoi payer tes révélations, dussé-je vendre mon corps aux carabins ; parle… (Il se verse des liqueurs et boit avec préoccupation.)

FAUSTINA.

Vendre ton corps pour un secret ? Eh bien ! soit, l’idée est charmante : je ne veux de toi qu’une nuit d’amour. Cela t’étonne ? Tiens, Astolphe, je ne suis plus une courtisane ; je suis riche, et je suis une femme galante. N’est-ce pas ainsi que cela s’appelle ? Je t’ai toujours aimé, viens enterrer le carnaval dans mon boudoir.

ASTOLPHE.

Étrange fille ! tu te donneras donc pour rien une fois dans ta vie ?

(Il boit.)
FAUSTINA.

Bien mieux, je me donnerai en payant, car je te dirai le secret d’Antonio ! Viens-tu ? (Elle se lève.)

ASTOLPHE, se levant.

Si je le croyais ! je serais capable de te présenter un bouquet et de chanter une romance sous tes fenêtres.

FAUSTINA.

Je ne te demande pas d’être galant. Fais seulement comme si tu m’aimais. Être aimée, c’est un rêve que j’ai fait quelquefois, hélas !