Passez, monseigneur.
Y songez-vous ? en prison, vous, monseigneur ?
Oui, je veux connaître un peu de tout.
Bonté divine ! que dira monseigneur votre grand-père ?
Il dira que je me conduis comme un homme.
Scène II.
Il dort comme s’il n’avait jamais connu d’autre domicile ! Il n’éprouve pas, comme moi, une horrible répugnance pour ces murs souillés de blasphèmes, pour cette couche où des assassins et des parricides ont reposé leur tête maudite ! — Sans doute, ce n’est pas la première nuit qu’il passe en prison ! — Étrangement calme ! et pourtant il a ôté la vie à son semblable, il y a une heure ; — son semblable ! un bandit ? — Oui, son semblable. L’éducation et la fortune eussent peut-être fait de ce bandit un brave officier, un grand capitaine. Qui peut savoir cela ? et qui s’en inquiète ? — Celui-là seul à qui l’éducation et le caprice de l’orgueil ont créé une destinée si contraire au vœu de la nature : moi ! — Moi aussi, je viens de tuer un homme… un homme qu’un caprice analogue eût pu, au sortir du berceau, ensevelir sous une robe et jeter à jamais dans la vie timide et calme du cloître ! (Regardant Astolphe.) Il est étrange que l’instant qui nous a rapprochés pour la première fois ait fait de chacun de nous un meurtrier ! Sombre présage ! mais dont je suis le seul à me préoccuper, comme si, en effet, mon ame était d’une nature différente… — Non, je n’accepterai pas cette idée d’infériorité ! Les hommes seuls l’ont créée, Dieu la réprouve. — Ayons le même stoïcisme que ceux-là, qui dorment après une scène de meurtre et de carnage.