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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/404

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REVUE DES DEUX MONDES.

Malherbe a très bien fait, mais il a fait pour lui :
Mille petits voleurs l’écorchent tout en vie ;
Quant à moi, ces larcins ne me font point d’envie ;
J’approuve que chacun écrive à sa façon ;
J’aime sa renommée, et non pas sa leçon.
Ces esprits mendians, d’une veine infertile,
Prennent à tous propos ou sa rime ou son style ;
Et de tant d’ornemens, qu’on trouve en lui si beaux,
Joignent l’or et la soie à de vilains lambeaux.
................
Ils travaillent un mois à chercher comme à fils
Pourra s’apparier la rime de Memphis :
Ce Liban, ce turban, et ces rivières mornes
Ont souvent de la peine à retrouver leurs bornes :
................
Ils grattent le français et le déchirent tout,
Blâment tout ce qui n’est facile qu’à leur goût,
Sont un mois à connaître en talent la parole,
Lorsque l’accent est rude, ou que la rime est molle,
Veulent persuader que ce qu’ils font est beau,
Et que leur renommée est franche du tombeau,
Sans autre fondement sinon que tout leur âge
S’est laissé consommer en un petit ouvrage ;
Que leurs vers dureront au monde précieux,
Parce qu’en les faisant, ils sont devenus vieux :
De même l’araignée en filant son ordure,
Use toute sa vie et ne fait rien qui dure.

Sa Solitude, son Ode à son frère, ses Élégies, qui ne sont en général que des causeries agréables, offrent des beautés du même genre, de l’esprit, de l’incorrection, toujours du bon sens, et cette verve forte, un peu dure, quelquefois farouche, que l’on pourrait nommer la verve du prosateur.

C’est à sa prose en effet qu’il faut revenir ; c’est elle qu’il faut lire avec soin pour savoir ce dont ce malheureux jeune homme, enlevé par une mort prématurée, aurait pu être capable. Sa prose latine est une heureuse étude faite d’après Pétrone et Tacite. Il aimait le tour incisif et la concentration ardente que la langue des Romains favorise. Larissa, Theophilus in carcere, ses Lettres latines, se rapprochent de Juste-Lipse et de Strada. Le mérite de ses apologies françaises est déjà connu du lecteur ; il faut y joindre une préface également apologétique. J’ai donné des fragmens curieux de ses lettres posthumes. Enfin il s’est amusé, en un jour de verve, à esquisser tous les cara-