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cond la reprend à moitié, tous deux l’achèvent ensemble. Les mélodies appliquées à ces chansons rustiques sont d’une nature simple, grave et mélancolique. Il y a dans leur naïve expression un sentiment de vérité qui émeut, et dans l’uniformité presque monotone de leurs accords, un charme indéfinissable, pareil à celui du vent qui soupire dans les bois, des vagues qui se plaignent sur la grève.

Quand les Suédois s’emparèrent de la Finlande, ils avaient déjà sur cette contrée la supériorité de l’intelligence. Ils lui enseignèrent ce qu’ils savaient, et lui donnèrent leur langue, qui devint peu à peu la langue des cloîtres, des écoles, et plus tard la langue officielle de tout le pays. Le peuple conservait, comme dans plusieurs de nos provinces, son dialecte national ; mais les fonctionnaires, les marchands, les prêtres, adoptèrent celui des conquérans. Cette langue nouvelle amena une nouvelle littérature, qui, repoussant avec dédain l’ancienne poésie finlandaise au fond des fermes obscures, trôna dans les salons, et reçut les médailles académiques. Cette littérature ne fut qu’un calque timide de celle de Suède, qui, de son côté, se modelait servilement sur celle de France ou d’Allemagne. Ainsi elle fut tour à tour didactique et sentencieuse au temps de la réformation, érudite et pédante au temps de Christine, frivole et légère au temps de Gustave III. La révolution poétique qui s’opéra en Allemagne sur la fin du XVIIIe siècle envahit bientôt le Danemark ; la Suède et tout ce qui arrivait en Suède réagissait immédiatement sur la Finlande. La guerre des phosphoristes occupa les professeurs d’Abo presque autant que ceux d’Upsal. La lyre énergique et mélodieuse de Tegner retentit sur les bords du golfe de Bothnie comme sur ceux du Mœlar. Un jour vint où la Finlande renversa, comme la Suède, ses vieilles idoles, se choisit un nouveau pavillon littéraire, et proclama solennellement les doctrines d’une nouvelle école. Parmi ceux qui, dans cette dernière lutte, servirent le mieux la cause romantique, nous devons citer en première ligne Louis Runeberg.

Sa biographie est courte et mêlée de peu d’évènemens. Son enfance se passa dans la naïve contemplation de la nature, au bord des lacs, à l’ombre des bois, et sa jeunesse dans les écoles. Il monta patiemment l’échelle universitaire, prit ses grades, devint professeur, d’abord à Abo, puis à Helsingfors ; voilà tout. Mais qui pourrait dire combien d’ardentes émotions ont traversé cette existence posée et régulière, combien de douces rêveries ont entouré le poète dans l’isolement de sa demeure, combien de fois, le soir, au milieu de ses veilles silencieuses, il a vu passer devant lui la troupe ailée des