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influence sur la politique du dedans ou du dehors, ou son influence serait funeste ; et le pouvoir exécutif, entièrement isolé de l’autre, serait réduit à s’annuler comme en 1790, ou à s’exagérer comme en 1803. En un mot, on marcherait à l’anarchie ou au despotisme. Écarter entièrement de la chambre les fonctionnaires, c’est-à-dire les hommes qui peuvent l’éclairer sur toutes les questions d’administration et de gouvernement, ce ne serait pas seulement s’exposer aux dangers que signale M. de Rémusat, ce serait encore créer une chambre qui se trouverait au-dessous de toutes les idées générales, et rendrait impossibles toutes les améliorations. C’est ainsi qu’on entendait la représentation nationale en 1789. Voudrait-on en revenir aux erreurs politiques de cette époque ? Les grands principes de liberté qui furent émis alors n’ont pas varié, ils dominent encore en France ; mais la manière de les pratiquer a dû changer dans une longue application, et aujourd’hui que le ministère n’est que la représentation de l’opinion parlementaire, on sent combien il importe de ne pas le priver, dans la chambre, des fonctionnaires politiques qui sont ses liens les plus étroits avec la législature, et ses plus sûrs moyens de communication avec elle.

La commission dont M. de Rémusat faisait partie, paraît avoir été divisée sur plusieurs points, et quelques-uns de ses membres ont exprimé des défiances assez grandes au sujet de la présence des fonctionnaires dans la chambre. Les uns alléguaient la tendance des fonctionnaires à ne pas sortir de la subordination dans laquelle ils sont habitués à se renfermer, en ce qui est du gouvernement. D’autres faisaient remarquer combien le pouvoir s’affaiblit quand ses fonctionnaires le combattent et lui refusent leur confiance. Passant à la situation de l’administration, on la montrait accusée d’intolérance et de réaction, quand elle écarte les fonctionnaires opposans ; de faiblesse et de désaveu des idées qui l’ont portée au pouvoir, quand elle ne sévit pas contre les fonctionnaires qui l’attaquent. Ces assertions ont été repoussées par une partie de la commission, qui a démontré combien la chambre perdrait en écartant ceux qui y apportent l’instruction et la modération, résultat ordinaire de la pratique des affaires et de la connaissance de leurs difficultés, et M. de Rémusat a recueilli avec un soin infini, dans son rapport, tous les argumens de cette partie de la commission. Les réflexions dont il les a fait suivre sont d’une haute importance. Elles touchent au fond de la question, à l’idée même d’une réforme électorale, qui n’est pas moins que la révision de la constitution, et la réforme du jugement du pays qui a envoyé les fonctionnaires à la chambre. Néanmoins, la commission de la chambre paraît avoir reconnu en principe qu’on pourrait établir une distinction entre ceux qui entrent fonctionnaires dans la chambre, et ceux qui le deviennent après leur élection. Cette pensée, déjà développée avec beaucoup de lucidité par M. de Carné, dans son bureau, fera probablement naître une proposition qui aura quelque chance d’être bien accueillie par la chambre. Quant aux autres, il faut espérer que la chambre verra tout le danger d’une résolution prompte et hâtive en matière d’élection, et qu’elle ne perdra pas de vue cette sage observation du rapporteur de sa commis-