Bon ! je te vois fort bien, fléau de ma bourse, ennemi de mon salut ! Ah ! tu reviens me trouver ! Je vais te faire un peu damner à mon tour.
(Il jette sa toque avec une affectation d’impatience et arrange sa chevelure minutieusement.)
Courage, admire-toi, beau damoiseau ! Et qu’on dise que les femmes sont coquettes ! Il ne daignera pas se retourner !
Je gage qu’on s’impatiente. Oh ! je n’aurai pas fini de si tôt !
Encore !… Le fait est qu’il est beau, bien plus beau qu’Antonio ; et on dira ce qu’on voudra, rien ne fait tant d’honneur que d’être au bras d’un beau cavalier. Cela vous pare mieux que tous les joyaux du monde. Quel dommage que tous ces Alcibiades soient si vite ruinés ! En voilà un qui n’a plus le moyen de donner une agrafe de ceinture, ou un nœud d’épaule à une femme !
Peut-on poser ainsi une plume sur une barrette ? Ces gens-là s’imaginent toujours coiffer des étudians de Pavie !
Une plume magnifique, et le costumier la lui fera payer. Mais où prend-il assez d’argent pour louer de si riches habits ? (Regardant autour d’elle.) Eh mais ! je n’y avais pas fait attention ! Comme cet appartement est changé ! Quel luxe ! C’est un palais aujourd’hui ! Des glaces ! des tableaux ! (Regardant le sofa où elle est assise.) Un meuble de velours tout neuf, avec des crépines d’or fin ! Aurait-il fait un héritage ? Ah ! mon Dieu, et moi qui depuis huit jours… Faut-il que je sois aveugle ! Un si beau garçon !… (Elle tire de sa poche un petit miroir et arrange sa coiffure.)
Oh ! c’est bien inutile ! Je suis dans le chemin de la vertu.
À votre aise, infidèle ! Quand donc le beau Narcisse daignera-t-il détourner la tête de son miroir ?
Ah ! c’est toi, petite ?
Quittez ce ton protecteur et regardez-moi.