dont les trésors de l’état ont regorgé tout à coup, la tête lui a tourné ; au lieu de gouverner son peuple, il s’est mis à jouir de la vie en Sardanapale. Déjà la révolte lève la tête, l’anarchie éclate de toutes parts, le clergé vient d’élire un nouveau chef, qui s’avance à grandes journées contre son souverain légitime. Méphistophélès accourt à son aide ; les trois vaillans[1], Raufebold, Habebald, Haltefest, l’accompagnent ; Faust est promu à la dignité de généralissime. Il n’entend rien à la guerre, peu importe. — Prends toujours le bâton de général, lui dit Méphistophélès, et je réponds de l’affaire. — Cependant un bruit fatal court dans les rangs, on parle de la défection des corps alliés ; l’empereur fait bonne contenance : « Un prétendant vient pour me conquérir ; aujourd’hui, pour la première fois, je sens que je suis l’empereur. » Faust, armé de la tête aux pieds, s’avance au nom du nécroman de Nurcia, que l’empereur a sauvé jadis du bûcher, et propose au maître du monde les secours de la magie. L’offre de Faust est acceptée. La bataille s’engage, les trois vaillans fondent sur l’ennemi ; Méphistophélès évoque, des quatre coins de la terre, des légions de fantômes qui, bardés de fer, cheminent en grandissant à travers l’espace, et sèment sur leurs pas la confusion et l’épouvante. Méphistophélès, Faust et l’empereur suivent du haut de la montagne les chances long-temps douteuses du combat.
Faust. — L’horizon s’est couvert ; çà et là seulement tremblotte une lueur rouge et d’un sombre présage ; le rocher, le bois, l’atmosphère, le ciel même, tout se confond.
Méphistophélès. — L’aile droite tient ferme. J’aperçois dans la mêlée Hans Raufebold, l’impétueux géant, occupé à sa manière.
L’empereur. — Tout à l’heure il paraissait n’avoir qu’un seul bras, maintenant je lui en vois déjà douze qui bataillent. Cela ne se passe guère ainsi dans la nature.
Faust. — N’as-tu donc jamais rien entendu dire de ces bandes de nuages qui flottent sur les côtes de Sicile ? Là, des visions bizarres vous apparaissent, errant dans la pure clarté, portées vers les espaces intermédiaires, réfléchies dans des vapeurs étranges ; là, des villes grandissent et diminuent ; là, des jardins montent et descendent, selon que l’image découpe l’éther[2].
L’empereur. — Le moment décisif approche. Les hautes piques commencent à flamboyer, et, sur les lances étincelantes de nos phalanges, je vois danser des flammes rapides. Cela tient par trop de la magie.