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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/493

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GOETHE.


Cependant l’aile gauche souffre, l’ennemi escalade les hauteurs, la situation devient grave. Méphistophélès s’empare du commandement et dépêche aussitôt des corbeaux messagers près des nymphes de la montagne.


Méphistophélès. — Çà, mes noirs cousins ! vite à l’œuvre, vite au grand lac de la montagne ! Saluez, de ma part, les nymphes et tâchez d’obtenir d’elles une apparence d’inondation.

(Pause.)

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Faust. — Certes nos messagers ont dû faire dans les règles leur cour aux dames des eaux. L’inondation commence à gronder. Çà et là, des cimes arides et chauves du granit s’échappe la source vive à larges flots

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Méphistophélès. — Pour moi, je ne vois rien de ces prestiges de l’eau, dont les yeux humains peuvent seuls être dupes. Cette étrange aventure me réjouit. Ils se précipitent par troupeaux insensés ; sans avoir quitté la terre ferme, ils s’imaginent se noyer et s’évertuent de la plus singulière façon à courir à la nage. Maintenant la confusion est partout


La rébellion une fois en déroute, les trois vaillans pénètrent dans la tente splendide du prétendant et se mettent en devoir de tout piller, lorsque les trabans de l’empereur légitime entrent à point pour les chasser. Arrive l’empereur, qui s’empare du trône vide et récompense les grands dignitaires qui lui sont restés fidèles. L’archi-maréchal, l’archi-chambellan, l’archi-échanson, reçoivent des priviléges sans nombre, dont l’archevêque, en même temps grand-chancelier de la cour, leur transmet les brevets scellés du sceau de l’état[1]. Les princes temporels se retirent, l’archevêque blâme l’empereur de la victoire sacrilége qu’il vient de remporter avec l’aide des puissances de l’enfer ; il le menace de toutes les foudres de Rome, s’il ne cède aussitôt à l’église une bonne partie de son territoire. On élèvera sur le champ du combat une cathédrale qui sera bâtie avec les deniers de l’empereur, et dont les revenus de l’état paieront l’entretien. Le clergé n’en reste pas là : il exige encore, avant de consentir à parler d’accommodemens, une part du rivage que Faust a conquis sur la mer. Goethe, qui n’aime pas le catholicisme, ne laisse pas échapper l’occasion d’attaquer avec violence la constitution de l’empire au moyen-âge. D’un côté, c’est la faiblesse et l’impuissance des empereurs ; de

  1. Goethe semble prendre plaisir à reproduire ici le ton et les expressions de la bulle d’or, qui l’avait si vivement frappé dans sa jeunesse, lors du couronnement de Joseph II. — Dichtung und Wahrheit, Th. I, S. 248.