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GOETHE.

deurs, qui dit : Amour, nature, Dieu, aussi bien que la voix des anges qui chantent au ciel. Les hymnes sacrés du firmament ont leur écho dans les abîmes de la terre.

pater profundus.(Région basse).

Ainsi que la roche éternelle
Pèse sur l’abîme profond,
Comme le flot au flot se mêle
Pour l’affreuse inondation ;
Comme le chêne magnifique
Se porte dans l’air tout d’un coup
Par sa propre force organique,
Tel l’amour puissant, sympathique,
Qui forme tout et nourrit tout.

Autour de moi j’entends un bruit sauvage, immense,
Comme si les forêts et les granits géans
Ondulaient dans les cieux, pareils aux océans !
Et pourtant au milieu du fracas, l’abondance
Des flots tumultueux avec amour s’avance
Au vallon, appelée à féconder les champs.
La cascade qui tombe, et le divin tonnerre
Qui sillonne l’espace et purge l’atmosphère
Des pesantes vapeurs qui nous voilaient le jour,
Que sont-ils donc, sinon des messagers d’amour ?
Ils annoncent à tous cette force profonde
Qui toujours en travail enveloppe le monde.
Oh ! qu’elle embrase donc mon sein où mon esprit,
Triste, inquiet, glacé, souffre et s’appesantit,
Misérable, enfermé dans l’étroite barrière
Des sens, et tout meurtri des chaînes de la terre !
Apaise mes pensers, Seigneur ; que ta clarté
Illumine mon cœur en sa nécessité.

Il faut, avant tout, considérer cette scène comme un épilogue que Goethe, donne à son œuvre, et qui sert de pendant au prologue de la première partie de Faust, dans lequel Méphistophélès, en présence de la cour céleste, demande au Père Éternel la permission de tenter le vieux docteur. C’est entre ce prologue, dont on trouve l’idée première dans le livre de Job, et cet épilogue qui donne l’occasion à Goethe, ainsi que nous le verrons plus tard, de mettre en lumière ses idées sur la théologie, qu’est renfermé le drame de l’existence de Faust, cette existence insatiable à laquelle la science, l’amour et la