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Quand on parla à Kauikeaouli de la violence commise contre les missionnaires catholiques, il répondit que cet acte avait eu lieu sous la régence de Kaahou-Manou, qu’il n’y avait pas eu la moindre part, et que par conséquent il ne pouvait pas en être responsable. Il ajouta ensuite qu’il savait que presque toutes les guerres qui ont agité les états d’Europe provenaient de ce qu’il y avait alors, dans ces états, deux religions rivales. La religion presbytérienne ayant été enseignée la première aux îles Sandwich, on ne pouvait plus, disait-il, en admettre une autre ; c’était ainsi seulement qu’il pourrait conserver la tranquillité dans ses états ; une religion était bien suffisante pour 100 ou 150,000 habitans. Certes, Kauikeaouli, en parlant ainsi, donnait une preuve de grande sagesse, et surtout d’une connaissance de l’histoire que je n’aurais pas soupçonnée en lui. J’approuve parfaitement le principe d’après lequel il parlait ; mais ceux qui lui firent si bien la leçon auraient dû ajouter que les États-Unis sont peut-être le pays du monde où il y a le plus de religions différentes, que cependant les catholiques n’y sont pas persécutés, et que la nation n’est pas, pour des causes de religion, déchirée par la guerre civile ; que c’est l’intolérance qui est la première cause des désordres, et qu’en violant la liberté individuelle des missionnaires catholiques, en les déportant arbitrairement, Kaahou-Manou avait fait un acte odieux d’intolérance ; qu’aucune loi écrite, d’ailleurs, ne faisant de la religion presbytérienne la religion exclusive de l’état, on avait agi, envers les missionnaires catholiques, contre tous les principes de la justice et de l’équité.

La religion presbytérienne est donc aujourd’hui généralement répandue dans toutes les îles Sandwich, c’est-à-dire que les naturels vont, le dimanche, entendre le service divin dans les églises des missionnaires presbytériens ; malheureusement, à bien peu d’exceptions près, cette conversion est presque toujours purement nominale. Les naturels, en effet, ne sont pas encore en état de comprendre leur nouvelle religion ; d’ailleurs on la leur présente sous un aspect trop sévère et trop mystique. Partout où ne résident pas les missionnaires, les insulaires ont conservé, sinon les coutumes barbares de leur ancienne religion, du moins leurs absurdes superstitions. L’œuvre n’est donc encore qu’ébauchée ; mais la force des choses, en dépit du système suivi par les missionnaires, amènera, pour ces populations, ces améliorations morales et matérielles qu’une meilleure direction aurait pu produire beaucoup plus tôt.

Les missionnaires des différentes îles se réunissent tous les ans, à une époque fixe, à Honolulu ; une goélette, qui appartient à la mission, va les chercher dans leurs résidences. C’est une espèce de concile annuel où chacun présente les fruits de son travail de l’année, et où l’on se concerte pour l’avenir. Tous les missionnaires des îles Sandwich sont Américains, de même que tous ceux des îles de la Société (Taïti) sont Anglais : c’est par une espèce de pacte tacite que le clergé de ces deux nations s’est partagé la domination spirituelle, j’ajouterais presque temporelle, des îles de l’Océanie.

La Haina, dans l’île de Mawi, peut être considérée comme la capitale de la mission ; c’est là que les missionnaires ont leur principal établissement et leur