sommes en carnaval. Chacun revêt l’effigie de ce qu’il désire être ou désire posséder : le valet s’habille en maître, l’imbécile en docteur ; moi je t’habille en femme. Pauvre que je suis, je me crée un trésor imaginaire, et je te contemple d’un œil à demi triste, à demi enivré. Je sais bien que demain tes jolis pieds disparaîtront dans des bottes, et que ta main secouera rudement et fraternellement la mienne. En attendant, si je m’en croyais, je la baiserais, cette main si douce… Vraiment ta main n’est pas plus grande que celle d’une femme, et ton bras… Laisse-moi baisser ton gant !… ton bras est d’une rondeur miraculeuse… Allons, ma chère belle, vous êtes d’une vertu farouche !… Tiens ! tu joues ton rôle comme un ange : tu remontes tes gants, tu frémis, tu perds contenance ! À merveille ! — Voyons, marche un peu, fais de petits pas.
Tu me feras marcher et parler le moins possible, car j’ai une grosse voix, et je dois avoir aussi bien mauvaise grace.
Ta voix est pleine, mais douce, peu de femmes l’ont aussi agréable ; et quant à ta démarche, je t’assure qu’elle est d’une gaucherie adorable. Je te fais passer pour une ingénue ; ne t’inquiète donc pas de tes manières.
Mais certainement ta femme idéale en a de meilleures ?
Eh bien ! pas du tout. En te voyant, je reconnais que cette gaucherie est un attrait plus puissant que toute la science des coquettes. Ton costume est charmant ! Est-ce la Périnne qui l’a choisi ?
Non ! elle m’avait apporté un attirail de bohémienne ; je lui ai fait faire exprès pour moi cette robe de soie blanche.
Et tu seras plus paré, avec cette simple toilette et ces perles, que toutes les femmes bigarrées et empanachées qui s’apprêtent à te disputer la palme. Mais qui a posé sur ton front cette couronne de roses blanches ? Sais-tu que tu ressembles aux anges de marbre de nos cathédrales ? Qui ta donné l’idée de ce costume si simple et si recherché en même temps ?
Un rêve que j’ai fait… il y a quelque temps.