sa véritable vocation. Peut-être aussi quelques motifs accidentels se joignaient-ils, pour confirmer son choix, aux motifs naturels et plus graves qui l’avaient décidé.
Au temps dont il s’agit, le théâtre espagnol avait pris des développemens rapides et prodigieux : il était devenu le plus populaire et le plus noble de tous les divertissemens. Le nombre des autores (c’est ainsi que l’on nommait les entrepreneurs de théâtre) s’étant considérablement multiplié, ils en étaient venus à consommer une immense quantité de pièces ; et les poètes dramatiques, suffisant à peine au courant de cette consommation, se faisaient payer d’autant plus cher par les autores les drames qu’ils leur vendaient. Il y avait donc beaucoup plus de profit matériel à retirer du théâtre que de toute autre branche de littérature.
Du reste, les premières années qui suivirent le second mariage de Lope furent très défavorables à la poésie dramatique en Espagne. Philippe II étant mort le 12 septembre 1598, tous les théâtres furent fermés en signe de tristesse ; mais on les rouvrit en 1600, et les représentations reprirent leur vogue toujours croissante. Cette date peut être donnée pour marquer les commencemens de la renommée de Lope comme poète dramatique. On a sur ce point des indices précis.
Il y avait alors à Madrid une académie poétique dans le genre de celles de l’Italie et de Valence, académie composée d’élémens fort peu homogènes. Il s’y trouvait des poètes, des littérateurs et des érudits, dont les goûts et les principes, différens sur beaucoup de choses, l’étaient surtout en ce qui concerne l’art dramatique. Les uns s’obstinaient à vouloir que l’on suivît les règles de l’antiquité classique, les autres persistaient à soutenir que ces règles, bonnes en elles-mêmes, n’étaient pas applicables aux pièces composées en Espagne et pour des Espagnols. Lasse de cette incertitude, et croyant à la possibilité d’en sortir, l’académie soumit la question à l’un de ses membres, et lui en demanda la solution. Ce fut à Lope qu’elle fit cet honneur, et ce fut pour lui répondre qu’il composa, en 1602, son fameux Art de composer des comédies (Arte de hacer comedias).
Je ne sais s’il paraîtra étrange, mais il est vrai de dire que Lope était l’un des hommes du monde les moins faits pour discuter sérieusement et pour résoudre ce problème. Ne connaissant que médiocrement la littérature latine, ne sachant rien de la grecque, il ne pouvait donner, en faveur des règles classiques du théâtre, que des raisons superficielles, pour lesquelles il feignait un respect qu’il