domination des kalifes, que se conserva le mieux le goût des antiques traditions du pays. Plusieurs des chefs dont la puissance s’éleva dans ces contrées sur l’établissement du kalifat, s’efforcèrent de ranimer dans un but politique le vieil esprit local de leurs principautés pour l’opposer à l’autorité des kalifes. Cette résurrection de l’ancienne nationalité, soulevée dans un intérêt d’ambition particulière contre la domination arabe, amena dans le nord de la Perse une suite de tentatives littéraires, dont la plus brillante produisit le Livre des Rois, de Firdousi. Je vais laisser parler ici M. Mohl ; je ne veux pas priver le lecteur d’un morceau historique également remarquable par la netteté des vues et la fermeté du style.
« Le succès de la conquête arabe avait été très grand et très rapide ; peu d’années avaient suffi pour détruire l’empire persan ; l’ancienne religion avait été abolie, la plus grande partie de la population s’était convertie à l’islamisme ; la littérature persane avait disparu presque entièrement, et avait fait place à la littérature arabe, et le kalifat paraissait assis d’une manière inébranlable sur son double trône spirituel et temporel. Mais il s’en fallait bien que l’influence arabe, quelque grande qu’elle fût, reposât sur une base également solide dans toutes les provinces ci-devant persanes, ce qui tenait à l’état artificiel où les Arabes avaient trouvé la Perse au moment de la conquête. Le pehlwi était alors la langue officielle de tout l’empire persan. C’était un dialecte né en Mésopotamie, du mélange des races sémitique et persane, une langue des frontières, comme son nom nous l’indique ; il était devenu langue officielle, parce que les évènemens politiques avaient fixé depuis des siècles le siége de l’empire dans des provinces dont il était la langue usuelle ; dans les provinces orientales, au contraire, on parlait des dialectes purement persans.
« Après la conquête, les Arabes s’établirent naturellement en plus grand nombre que partout ailleurs dans les provinces de la Perse les plus voisines de l’Arabie, précisément celles où l’on parlait pehlwi ; ils y placèrent le centre de leur empire, fondèrent Bagdad, Koufah, Mosoul, et autres grandes villes toutes arabes, laissèrent périr les anciennes capitales des provinces, et agirent sur les populations par tous les moyens que donnent le nombre, le pouvoir politique, le fanatisme religieux, l’influence d’une nouvelle littérature, et les changemens des lois et des institutions. Ils réussirent si complètement à s’assimiler cette population, qu’ils parvinrent à lui faire adopter peu à peu leur langue, et à la substituer au pehlwi dans toute l’étendue des provinces occidentales, à l’exception de quelques districts mon-