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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/652

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REVUE DES DEUX MONDES.

part, les origines du langage rattachent la Perse à l’Inde, tandis que des analogies non moins certaines de langue et de traditions la rapprochent des nations germaniques. Ce pays est donc le lien de l’Asie centrale et de l’Europe, et aujourd’hui encore sa destinée en fera bientôt, ce semble, le théâtre d’une lutte formidable entre deux grandes puissances qui, parties l’une du Nord, l’autre de l’Ouest, semblent appelées à se rencontrer près des Indes.

Le poème de Firdousi n’a pas besoin, pour attirer l’attention, de l’intérêt qui s’attache maintenant à la scène antique des exploits de Rustem. Il n’arrive pas tous les jours que le plus grand monument de la poésie d’un peuple soit, pour la première fois, publié dans son intégrité et mis dans la circulation des intelligences. C’est un évènement qui compte beaucoup plus dans l’histoire littéraire d’un siècle que la naissance bruyante d’une foule de productions destinées à mourir.

Les orientalistes dignes de ce nom porté avec tant d’éclat par plusieurs illustres compatriotes, apprécieront la valeur philologique de l’immense travail de M. Mohl, qui a consulté, pour la publication de son texte, trente-trois manuscrits conservés à Londres et à Paris. On a pu juger du mérite de la traduction et de la préface par les morceaux que j’ai cités. Pour un homme tel que M. Mohl, des citations sont les meilleures louanges.

Je me bornerai à dire que celui qui a consacré une vaste science, des facultés supérieures et une portion de sa vie à faire passer dans notre langue une des plus importantes productions du génie humain, mérite la reconnaissance du pays qu’il a choisi et qui l’a adopté.


J.-J. Ampère.