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LE SCHAH-NAMEH.

veilleux tient si peu de place, dans laquelle on dit en passant quelques mots de Zoroastre, dans laquelle enfin les mobeds occupent un rang assez modeste auprès des rois et des chefs guerriers, dont ils sont souvent les conseillers, jamais les maîtres.

L’action est presque tout dans le Livre des Rois, comme dans les épopées occidentales ; mais, dans les épopées de l’Inde, il y a une part pour la contemplation et pour la science. Un système complet de panthéisme a été introduit sous forme d’épisode dans le Mahabarat ; un système d’athéisme s’est glissé plus singulièrement encore dans le Ramayana. De longues digressions politiques montrent que ceux aux mains desquels est cette poésie, ne veulent pas seulement raconter pour plaire, mais instruire pour gouverner.

Enfin, si la poésie persane, comparée aux poésies européennes, nous a paru gigantesque parfois et démesurée, elle semble modeste et contenue à côté de la poésie indienne. La narration de Firdousi, bien qu’abondante, est rapide ; ses prescriptions, bien que parfois éblouissantes, sont précises en comparaison des récits et des tableaux de Vyasa ou de Valmiki. Le génie même de la langue sanscrite, de cette langue qui pousse plus loin qu’aucune autre l’audace dans la composition des mots, en accumulant toutes les circonstances accessoires autour de l’idée principale, donne au récit une lenteur majestueuse, une ampleur traînante, qui rappelle les eaux calmes et débordées du Gange ; la paresseuse mollesse, la fertilité luxuriante que produit le climat de l’Inde, se peignent dans la richesse des détails et la lenteur indolente du récit. Souvent la description d’une montagne ou d’une rivière emploie plusieurs pages du Ramayana. La solitude de la ville d’Ayodia, privée de son héros, Rama, n’est pas exprimée par moins de vingt et une comparaisons. Auprès de cet excès, la poésie de Firdousi est, je le répète, sobre et tempérée ; tout y est sur une échelle beaucoup moindre. Que sont les sept cents ans de la vie de Rustem à côté du règne de Dwilipa qui dure trente mille années ? Qu’est-ce que Kaweh, avec ses dix-neuf fils, à côté de l’épouse du roi Sagara, qui met au monde, en une fois, quatre-vingt mille enfans ?

La poésie épique des Persans est donc intermédiaire entre celle de l’Occident et celle du haut Orient, comme la Perse elle-même s’appuie d’un côté à la chaîne de l’Himalaia et de l’autre au Caucase. La Perse est le pays qui a eu le plus de rapports avec le monde grec et romain. Dans l’histoire grecque, Marathon et Alexandre ; les Parthes, dans l’histoire romaine, témoignent de cette vérité. D’autre