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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/663

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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

voulurent qu’il la lût, avant tout, à Cæcilius[1]. Il alla donc chez ce personnage qu’il trouva à table. Comme le jeune auteur était assez mal vêtu, on lui donna près du lit de Cæcilius un escabeau où il s’assit et commença sa lecture ; mais il n’eut pas plus tôt dit quelques vers, que Cæcilius l’invita à souper et le fit mettre à table auprès de lui. Il entendit ensuite la pièce et en fut charmé[2]. »

Un peu plus tard, l’examen des œuvres de théâtre fut érigé à Rome en fonction publique. Cicéron, félicitant Marcus Marius de n’être pas resté à la ville pendant les fêtes qui accompagnèrent la dédicace du théâtre de Pompée, et critiquant les pièces jouées à cette occasion, se plaint d’avoir été obligé de subir tout ce qu’il avait plu à Spurius Metius d’honorer de son approbation[3]. Ce Spurius Metius Tarpa était alors, comme on voit, l’examinateur ou l’un des examinateurs en titre des pièces de théâtre, et Cicéron, dans le passage que nous avons cité, et dans quelques autres[4], ne paraît pas faire un très grand cas de cet aristarque. Horace, qui parle aussi plusieurs fois du même critique, rend de sa compétence un témoignage plus favorable. Le titre de judex, qu’il accole invariablement à son nom, Mœti judicis… Judice Tarpa… nous prouve que Metius Tarpa continua d’être, sous le règne d’Auguste, le juge officiel, et ce qu’un de nos poètes a appelé gaiement le grand Perrin Dandin de la littérature. En effet, un scholiaste d’Horace, Acron, nous apprend que Spurius Metius Tarpa faisait partie d’un tribunal littéraire ou, comme nous dirions aujourd’hui, d’un comité de lecture, composé de cinq membres, qui se réunissaient dans le temple d’Apollon ou des Muses. « Aucun ouvrage, ajoute le scholiaste, ne pouvait paraître sur la scène, sans avoir reçu l’approbation de ce comité[5]. »

Mais si les poètes dramatiques d’Athènes et de Rome ont été soumis, à peu près comme ceux de nos jours, à un examen littéraire préalable, ont-ils eu également à redouter les arrêts préventifs de cet autre tribunal qui a droit de vie et de mort sur les œuvres de la pensée ? Examinons.

  1. Le nom de Cæcilius ne figure dans ce récit que par une conjecture très hasardée. Euseb., Chron., lib. I, pag. 39.
  2. Suet., Terent. vit.
  3. Cicer., Ad Famil., lib. VII, epist. 1.
  4. Cicer., Ad Attic., lib. XVI, epist. 11. — Cicéron l’appelle en cet endroit Calvena. Ernesti croit qu’ici, comme au livre XIV (epist. 5 et 9), il s’agit de Matius, ami de César.
  5. Acro, in Horat., lib. I, satir. 10, v. 38.