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SALERNE ET PŒSTUM.

lais. L’architecture du temple de la Concorde, du Sisypheum et des temples de Pœstum, est absolument semblable : mêmes frises, mêmes chapiteaux, mêmes colonnes ramassées. Ces divers monumens doivent être contemporains. La seule différence est dans la conservation : il ne reste que sept colonnes du Sisypheum, et les temples de la Concorde et de Pœstum sont encore debout tout entiers. Le temple de Neptune est peut-être le mieux conservé de ces édifices. Toutes ses colonnes sont encore à leur place : le massif entablement qu’elles supportent n’a pas même été altéré ; sa corniche et sa cymaise sont encore intactes, prêtes à recevoir la charpente du toit qui seul a été détruit sans laisser de traces. Seulement, en s’effondrant, il a renversé quelques parties de la colonnade intérieure qui le supportait. La basilique est postérieure aux deux temples ; il est évident que ses architectes ont copié.

Quand on vient à penser que plus de 2600 ans se sont écoulés depuis que ces édifices ont été élevés dans cette plaine, leur conservation si parfaite semble tenir du prodige. Il ne reste de la ville qui les entourait que d’informes débris, enfouis sous les joncs et les broussailles. Ses énormes murailles n’ont pu même résister à la destruction, et se sont renversées en partie, et ces temples toujours debout semblent défier encore une longue suite d’années. Quelle miraculeuse puissance les a préservés ? Quel équilibre secret les a maintenus debout à travers tant de siècles ? Cette puissance, c’est leur pauvreté ; cet équilibre, ils le doivent à la forme écrasée de leurs robustes colonnes. Celles-là n’ont pas été construites selon les règles des architectes grecs des grands siècles, encore moins d’après les principes de Vitruve : au lieu de sept diamètres de hauteur que prescrit l’art, c’est à peine si elles en ont cinq ; aussi leur assiette est-elle admirable. Comme elles sont ensuite composées de cinq énormes rondelles placées l’une sur l’autre, elles donnent beaucoup moins de prise au mouvement de balancier que les tremblemens de terre ont pu leur imprimer, que si elles eussent été formées d’une seule pièce. Ajoutez à cela que ces colonnes ne sont point de marbre, mais d’un travertin solide et brut, que leurs rondelles ne sont pas soudées l’une à l’autre par des crampons de fer ou de bronze, que les frontons et les frises des temples ne présentent aucune sculpture ; qu’en un mot, ils n’offrent rien qui ait pu tenter la cupidité des barbares ou le vandalisme plus raffiné des faiseurs de musées et des antiquaires, et vous aurez l’explication du mystère de leur étonnante conservation.

Cette conservation est sans nul doute la première de leurs beautés. Il faut néanmoins convenir que ces trois édifices élevés sur des plateformes au haut desquelles on arrivait par plusieurs rangs de degrés, et placés de front entre la mer et les montagnes, composent un tableau dont l’ensemble surtout est frappant. L’antiquité vit là, moins ornée, moins coquette, mais plus reculée, plus forte et plus imposante qu’à Herculanum ou à Pompéia. La couleur de ces édifices, qui ne sont point déterrés de la veille, est magnifique ; c’est le véritable or des siècles qui brille sur leurs massives colonnes. En pénétrant dans l’enceinte de la ville par la porte orientale, le coup d’œil que présentent ces monumens est incomparable. La basilique s’appuie sur le grand temple, l’élégant