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REVUE
DES
DEUX MONDES.

Le mouvement intellectuel des neuf années qui nous séparent de la révolution de juillet n’est reproduit nulle part avec autant de suite, d’exactitude et d’étendue que dans la collection de la Revue des Deux Mondes. Cette fidélité à suivre tour à tour notre temps dans ses travaux les plus divers, dans ses tentatives les plus variées, a fait une place à part et un succès croissant à ce recueil, qui, nous pouvons le dire sans crainte d’être démentis, sera désormais placé au premier rang dans l’histoire intellectuelle de la France depuis 1830. Au lieu de se faire l’organe d’une faction politique ou d’une coterie littéraire, la Revue des Deux Mondes a voulu être l’expression réelle de son siècle, et pour cela elle a accueilli et recherché bien plutôt les travaux remarquables et originaux que les assertions exclusives des écoles, que les systèmes absolus des partis, sans s’interdire toutefois ces protestations vives, ces polémiques animées, qui sont utiles à la défense des vérités littéraires et des vérités politiques, et qui trouvent leur place nécessaire dans une publication périodique. C’est bien moins donc par l’exclusion de certaines idées et de certains hommes que par le concours et l’espace prêtés à tous les travaux distingués, que la Revue des Deux Mondes s’est fait un caractère nouveau et personnel. Intelligence, style, élévation, voilà avant tout ce qu’elle a demandé, ce dont elle s’est préoccupée ; et, en ce sens, elle a merveilleusement répondu aux instincts de notre époque, à cette curiosité éveillée sur tous les points, qui prête à tout, sans passion, une oreille attentive, de quelque côté que le bruit vienne.

La Revue des Deux Mondes n’a donc, à proprement parler, continué directement aucun recueil littéraire, ni accepté aucunes traditions de journal. Elle n’a pas cherché à refaire, par exemple, l’Année littéraire de Fréron, le Mercure, ou la Décade philosophique. C’étaient là surtout des publications critiques donnant des extraits des livres nouveaux, les nouvelles des spectacles, et quelques contes ou poésies légères. Sans s’interdire nullement l’examen attentif et approfondi de tous les ouvrages français et étrangers auxquels elle accordera toujours une très large place, la Revue est et restera avant tout un recueil d’études originales sur les points les plus divers de l’histoire, de la philosophie, des sciences, des beaux-arts et de la littérature. Donner à chaque chose sa part, leur part à l’imagination capricieuse comme à l’industrie, leur part aux voyages comme à la politique ; enfin, par une publicité plus fréquente que celle des revues anglaises, combiner l’originalité de l’Edinburgh et du Quaterly Review avec le caractère critique et exclusivement contemporain des journaux littéraires précédemment publiés en France, c’est là surtout ce qu’a tenté avec persévérance la Revue des Deux Mondes : et, à en juger par la place qu’elle n’a pas tardé à se faire, nous pouvons dire qu’elle a réussi.