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DÉPÊCHES DU DUC DE WELLINGTON.

dans lesquelles il déclare sans cesse que l’armée anglaise ne peut vaincre que bien munie, bien couverte et bien chaussée ; la seule inscription qui conviendrait au piédestal est celle-ci : « Il a fait la guerre de manière à pouvoir la recommencer avec avantage dans les pays où il a commandé. »

Le duc de Wellington se tenait si bien dans son rôle de général constitutionnel ; investi d’un commandement suprême, il se regardait tellement comme chargé simplement d’une tâche ou grande ou médiocre, selon l’étendue des ordres du gouvernement, selon les ressources qu’il plairait aux ministres de mettre à sa disposition, qu’on le voit prendre son parti avec résignation, quand ces ressources lui manquent. Dans ses idées d’ordre et d’hiérarchie, il semble alors dire qu’il fera comme il pourra, ou que la chute de Napoléon ou son abaissement ne doivent pas lui tenir plus à cœur qu’aux ministres du roi d’Angleterre, et que, si ceux-ci ne jugent pas à propos d’y mettre plus d’ardeur, c’est à lui de les imiter, et de borner à son tour ses opérations. Au contraire, à la vue de la tiédeur du gouvernement, un héros, comme on l’entend, eût fait ressource de tout : il eût outrepassé ses ordres, ou bien il eût perdu la tête. Pour le duc de Wellington, il n’eût pas violé ce qu’il regardait comme les lois de la guerre, même pour avancer le terme de la campagne ; et, s’il eût fallu autoriser le pillage d’une seule maison pour hâter la défaite de son ennemi, rien ne l’eût déterminé à donner un pareil ordre. Nous verrons plus tard, par une de ses lettres, comment il s’appliquait à lui-même ces principes. En voici une qui témoigne de la parfaite résignation qui accompagnait souvent son extrême sollicitude pour les nécessités du service et de l’armée. Elle est adressée de Lesaca, sur la frontière d’Espagne, à lord Bathurst.

« Milord, j’apprends de sir Thomas Graham, que le Sparrow, arrivé d’Angleterre à Passage la nuit dernière, a fait voile le 10. Il a communiqué avec le Président, entré en rade avec un convoi de fournitures pour les vaisseaux, mais il n’a aucun renseignement sur l’accroissement des forces navales sur ces côtes. Sir Thomas Graham m’informe, il est vrai, que lord Keith lui a dit avoir demandé qu’une ligne navale fût envoyée devant cette côte ; mais il n’avait pas reçu de réponse, et rien n’est laissé à sa discrétion. Je veux donc mettre sous vos yeux les inconvéniens et les désavantages qui résulteront pour l’armée du manque de forces navales.

« Les munitions de toutes sortes qui nous viennent de Lisbonne, des autres ports du Portugal et de la Corogne, sont retardées par le