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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/840

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états intérieurs, il passe aux rapports nouveaux qui s’établirent entre Égine et le Péloponèse à l’époque de la domination des Doriens. Suivant lui, Égine, abandonnée par sa colonie d’Hellènes, reçut volontairement la tutelle d’Épidaure, ville la plus proche, située sur le littoral de l’Argolide. Lorsque les Doriens se furent établis dans le Péloponèse, ils se trouvèrent naturellement les maîtres d’Égine ; ils y transportèrent, dit Pausanias, leur dialecte et leurs mœurs. Ils n’eurent pas besoin d’en détruire les souvenirs, ils les acceptèrent et les absorbèrent avec une aisance qui prouve bien la confraternité de toutes ces tribus qui, à différentes époques, repeuplèrent la Grèce après l’avoir dévastée. Si les Doriens n’avaient point envahi la Grèce, la civilisation dont elle commençait à jouir à l’époque de la guerre de Troie, n’eût pas tardé à porter ses fruits ; mais cette civilisation, au lieu de faire jouer au génie grec le rôle personnel et émancipateur que le siècle de Périclès lui donna, se fût développée sous l’influence sacerdotale de l’Orient, qui avait apporté tout le système de ses croyances, de sa société, de ses sciences et de ses arts sur les rivages pélasgiques. L’invasion dorienne rendit l’esprit hellénique à lui-même, en le forçant à subir une seconde enfance qui dura près de six siècles, et qu’on a appelée avec raison le moyen-âge grec. Bornons-nous à constater l’influence de ce grand évènement sur les destinées d’Égine.

Parmi les successeurs des Héraclides qui avaient conquis le Péloponèse, il faut distinguer Phidon, roi d’Argos, qui vivait 895 ans avant Jésus-Christ, et qui réalisa un instant une puissante monarchie dans la Grèce. Ce chef des Doriens fut même assez fort pour assurer la conquête de la Macédoine à son frère Caranus, qui y fonda la dynastie d’où sortit Alexandre. Ainsi, ces deux frères se partageaient du nord au midi toute l’étendue que les Pélasges et les Achéens avaient autrefois couverte. Phidon voulut affermir par les institutions ce qu’il avait gagné par la guerre ; parmi les établissemens qui remontent à lui, on doit compter la monnaie dont il passe pour l’inventeur, et dont il donna le privilége à Égine. Ceci prouve qu’Égine faisait partie de son empire, et que les arts y étaient déjà cultivés avec succès dès cette époque.

Les Éginètes étaient, en effet, un peuple naturellement ingénieux. M. Mueller fait observer que, dans cette île, le génie dorien prit un développement plus libre et plus vif que partout ailleurs. Les nécessités de la vie insulaire, l’exiguïté de l’espace, l’habitude de traverser la mer pour aller de l’île à Épidaure la métropole, expliquent suffisamment à