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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/861

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LES MARBRES D’ÉGINE.

était né à Éleuthère, ville de Béotie, l’un des pays où le génie dorien avait le plus puissamment marqué son empreinte ; Pausanias l’appelle l’Athénien, parce qu’Athènes lui avait donné le droit de bourgeoisie. Le même auteur raconte qu’il a vu à Égine une statue en bois, de la main de Myron, représentant la déesse Hécate, pour laquelle les habitans industrieux de cette île avaient un culte tout particulier. La préférence accordée par eux à Myron, le choix que Myron avait fait du bois pour façonner cette statue dans un temps où les métaux les plus précieux étaient prodigués par la statuaire, indiquent évidemment une affinité très grande entre la manière de Myron et celle des maîtres éginètes. Myron avait dû fréquenter beaucoup Égine ; nous savons qu’il faisait fondre ses statues de bronze dans cette île, dont les fourneaux étaient renommés dans toute la Grèce propter temperaturam, dit Pline l’ancien. Il semble donc que Myron doive être quelque artiste sacerdotal, fortement attaché aux croyances et aux traditions d’une école religieuse. Cependant nous apprenons par tous les auteurs que Myron s’illustra en faisant des statues d’animaux ; les recueils des poésies antiques sont pleins des éloges donnés aux vaches, aux bœufs, et même aux cigales et aux sauterelles que cet artiste avait sculptés. Comment accorder cette assertion avec la précédente ? L’artiste qui fait une statue archaïque de déesse a-t-il pu descendre jusqu’à pétrir les formes inférieures de la nature animale ? Ici j’invoque un passage de Pausanias, qui a été peu remarqué. En parlant des béliers sauvages de la Sardaigne, il dit qu’ils ressemblent à ceux qu’on voit dans les ouvrages de terre de fabrique éginète. Les Éginètes, ces artistes religieux par excellence, faisaient donc aussi des poteries recherchées qui portaient des figures d’animaux. Quand on a vu leurs médailles, on ne peut douter de la perfection de leurs travaux dans ce genre. Nous avons déjà parlé de la tortue frappée sur la plupart d’entre elles, et qui est d’un coin magnifique. Les plus anciennes sont marquées d’une tête de bélier ou de deux poissons. Pourquoi ont-elles toujours choisi des animaux pour leurs emblèmes ?

Mais nous ne sommes pas au bout des contradictions que présente le talent de Myron ; voici celle qui a arrêté les érudits et les antiquaires, et qui est restée également incompréhensible pour Scaliger et pour Winckelmann ; elle se trouve dans un passage de Pline que nous nous efforçons de traduire aussi littéralement que possible « Myron, le premier, paraît avoir prodigué la variété, plus nombreux dans son faire que Polyclète, et plus soigneux des proportions ; et