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LES MARBRES D’ÉGINE.

modernes bien long-temps, Athènes était le centre d’une espèce de monarchie imaginaire de la Grèce. N’oublions pas que, né dans un pays dorien et formé par des maîtres de cette race, Myron vint exercer son art à Athènes, et qu’il y reçut le droit de bourgeoisie. Ces faits ne conduisent-ils pas à penser qu’il faut interpréter la phrase de Pline de la manière suivante : Myron est le premier qui ait montré à Athènes l’exemple d’une variété d’attitudes et de lignes qu’on n’y connaissait pas auparavant ?

Mais alors comment expliquera-t-on le rôle de Phidias, qui, bien qu’il fût le contemporain de Myron, dut fleurir quelques années avant lui ? Les sculptures du Parthénon, qu’on attribue à l’école de Phidias, se divisent en trois parties bien distinctes. Les métopes offrent des traces considérables de l’ancienne école attique, dont le sculpteur de Périclès était obligé d’employer les élèves dans ses travaux. Dans la frise, ces vestiges deviennent moins nombreux ; celui des deux frontons dont on a conservé les débris en est entièrement exempt. Là seulement Phidias paraît avoir déployé toute la nouveauté de ses allures ; toutefois sa liberté n’y dégénère jamais en mouvemens brusques et multipliés ; des inflexions puissantes, mais solennelles et rares, ne justifient qu’imparfaitement le nom d’angulaire, que Winckelmann a donné à cette forme majestueuse. L’imitation de la nature est sans doute le principe nouveau que Phidias a reçu de son maître dorien Agéladas, et qu’il développe de préférence dans ses œuvres ; mais en traduisant la nature, il la soumet encore à certaines habitudes de calme et d’unité qui constituent la véritable tradition léguée par l’Égypte à l’Attique.

Pour appuyer cette théorie, il n’est pas besoin de révoquer en doute ce que les Athéniens nous ont appris sur leur Dédale, auquel ils ont attribué l’honneur d’avoir le premier introduit plus de mouvement et de vie dans les anciennes statues religieuses apportées d’Égypte et de Phénicie. Le contemporain de Smilis peut avoir séparé, des flancs de ses statues, les bras qui y étaient attachés avant lui, il a pu faire avancer leurs pieds hors de la ligne droite, et cependant conserver dans l’attitude cette simplicité et dans les formes distinctes ce type conventionnel qui étaient les caractères intérieurs, si je puis parler ainsi, de l’art égyptien. Prenez, au contraire, un exemple dans la plus haute époque de l’art étrusque ; choisissez une statue dont les bras et les pieds soient liés moins peut-être par le respect d’une tradition étrangère que par la grossièreté et l’ignorance d’un art au début. Ne sentez-vous point déjà dans cette immobilité je ne sais