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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/864

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quel principe latent d’activité qui perce à tous les angles, et qui fait que cette figure, ne pouvant encore marcher, aime mieux se tordre, pour ainsi dire, sur elle-même que de rester oisive ? Bientôt le temps et le génie vont la délivrer des chaînes qui lui paraissent si difficiles à supporter ; alors vous ne vous étonnerez plus de ses mouvemens ; quand elle était enchaînée, vous prévoyiez déjà qu’elle allait marcher. Chose plus étonnante encore ! Comme on lisait sa force dans sa contrainte, on lira la raideur de sa captivité dans la vigueur de ses allures nouvelles, de manière qu’elle sera, à travers ses transformations, toujours semblable à elle-même par quelque point important. Où un peuple énergique a posé son empreinte, soyez sûr que vous la verrez se perpétuer et survivre à ses révolutions. C’est Winckelmann lui-même qui a dit le premier, que, dans les peintures sans repos de Michel-Ange, il retrouvait encore les immobiles statues des Étrusques ses ancêtres.

Après avoir établi, contrairement à l’opinion de M. Mueller, que la convention et l’unité sont la loi de l’art attique, et que l’imitation et le mouvement sont celle de la plupart des autres écoles grecques, essayons de comprendre d’où dérive la similitude de celles-ci. Les Doriens étaient une race rude ; leur dialecte, que Pindare avait assoupli à toutes les modulations du rhythme, conserve, même dans les strophes de ce poète, un accent âpre et robuste, particulier aux peuples qui se sont formés sur les plateaux des montagnes. L’Hercule thébain, qui devint la personnification du génie dorien, est le symbole de la force laborieuse, de l’activité pratique. L’industrie qu’exercèrent les Éginètes, la guerre, qui semble avoir été l’état normal de Lacédémone, montrent quelle tendance ces peuples avaient pour la vie positive et militante. Ce qu’il pouvait même y avoir d’épais et de lourd dans le sang de cette race lui donnait une action plus intense et plus immédiate sur la matière. Aussi le talent de ses artistes dut-il se tourner vers les représentations réelles et animées. C’est ainsi qu’au XVe et au XVIe siècle on trouve plus de mouvement et plus de vérité dans l’art des Allemands que dans celui des Italiens, quoique le génie des premiers fût moins vif que celui des seconds. Cette lenteur était cause qu’au lieu d’aspirer à la beauté, les hommes du Nord observaient la nature avec plus de soin, et en exprimaient la variété plus littéralement.

Les Étrusques furent, à n’en pas douter, comme les peuples du Péloponèse, formés du mélange d’une couche pélasgique et de plusieurs couches helléniques. Plus que ceux-ci ils furent exempts de