Lélia releva d’une main ses cheveux épars, et, tenant de l’autre celle de son ami, elle se dressa une dernière fois de toute sa hauteur sur le rocher.
« Orgueil ! s’écria-t-elle, sentiment et conscience de la force ! saint et digne levier de l’univers ! sois édifié sur des autels sans tache, sois enfermé dans des vases d’élection ! Triomphe, toi qui fais souffrir et régner ! J’aime les pointes de ton cilice, ô armure des archanges ! Si tu fais connaître à tes élus des supplices inouis, si tu leur imposes des renoncemens terribles, tu leur fais connaître aussi des joies puissantes ! Tu leur fais remporter des victoires homériques. Si tu les conduis dans des thébaïdes sans issue, tu amènes les lions du désert à leurs pieds, et tu envoies à leurs nuits solitaires l’esprit de la vision pour lutter avec eux, pour leur faire exercer et connaître leur force, et pour les récompenser au matin par cet aveu sublime : « Tu es vaincu, mais prosterne-toi sans honte, car je suis le Seigneur ! »
Lélia renoua sa chevelure, et sautant au bas du rocher :
« Allons-nous-en, dit-elle, la dernière des pléiades est couchée, et je n’ai plus rien à faire ici ; ma lutte est finie. L’esprit de Dieu a mis sa main sur moi comme il fit à Jacob pour lui ouvrir les yeux, et Jacob se prosterna. Tu peux me frapper désormais, ô Très-Haut, tu me trouveras à genoux !
« Et toi, roc orgueilleux, dit-elle en se retournant après l’avoir quitté, j’ai été clouée un instant à ton flanc comme Prométhée, mais je n’ai pas attendu qu’un vautour vînt m’y ronger le foie, et j’ai rompu tes anneaux de fer de la même main qui les avait rivés. »
« Prends ta couronne d’épines, ô martyre ! et revêts ta robe de lin, ô prêtresse ! car tu vas mourir au monde et descendre dans le cercueil. Prends ta couronne d’étoiles, bienheureuse ! et revêts ta robe