cente ? Ou bien, s’il se décide à en appeler aux armes, aura-t-il assez d’ascendant et de force pour soulever avec lui l’Asie-Mineure, pour se faire reconnaître, par les diverses populations qui croient à l’islamisme, comme le véritable représentant de la foi et de la civilisation musulmane ? Cependant quel sera le rôle et le lot de la France ? Si chacune des parties intéressées travaille à sa fortune, et met la main sur quelque chose, la France seule restera-t-elle spectatrice et dupe ? Entre un empire qui s’affaisse et un nouvel empire qui s’élève, quel sera son thème politique ? Saura-t-elle tout à la fois honorer la vieillesse d’un état dont elle fut, au XVIe siècle, le premier allié chrétien, et protéger la brillante origine d’un état jeune, qui, du sein de la Méditerranée, donne un essor nouveau à la civilisation orientale ?
Sur tous ces points, l’opinion publique est inquiète, et jamais plus grandes affaires n’ont été l’objet de plus d’incertitudes et de défiances qu’augmente encore le silence du cabinet. Sans doute, les négociations diplomatiques vivent de secret, et ce n’est pas nous qui provoquerons le ministère à d’intempestives divulgations ; mais on peut regretter qu’il n’offre pas à l’opinion plus de motifs généraux de sécurité. Dans les gouvernemens représentatifs, les affaires diplomatiques, tant qu’elles ne sont pas terminées, doivent être protégées par le même secret que dans les gouvernemens absolus ; mais aussi il y a d’autres exigences qui doivent être satisfaites. Dans les pays constitutionnels, on veut savoir les principes dont un cabinet se propose le triomphe à travers les difficultés et le mystère des détails. Malheureusement, dans la question d’Orient, le cabinet du 12 mai a trop peu fait connaître la nature et l’étendue de ses vues, à l’époque des brillans débats qu’a provoqués dans la chambre des députés la demande d’un subside de dix millions ; il a plus écouté que parlé, si l’on excepte toutefois l’éloquente réplique de M. Villemain à M. de Lamartine. Il s’est borné à recueillir le vœu de la chambre, qui demandait un congrès européen, et voilà que le projet d’une conférence avorte ; la maladie de M. de Metternich est venue en aide à l’habileté de M. de Boutenieff. Il y a donc désormais, pour le ministère, une politique nouvelle à suivre, politique dont il aura, devant les chambres, toute la responsabilité.
Cette situation est assez grave pour mériter l’attention du cabinet, qui n’a pas devant lui d’hostilité systématique, mais la défiance des uns et l’indifférence des autres. On ne se passionne en ce moment ni pour, ni contre personne, et l’on se remet à apprécier hommes et choses avec une entière impartialité. Cela devait être. Après l’immense dépense de colères et de passions faite à la fin de l’année dernière et au commencement de celle-ci, le calme devait nécessairement renaître. En reportant aujourd’hui nos regards sur la scène politique, nous ne retrouvons plus trace des alliances, des combinaisons, des partis parlementaires qui l’ont si violemment agitée. Il ne reste plus que les hommes avec leur caractère, leur talent, et, nous pouvons le dire pour quelques-uns, avec leurs regrets. Il ne leur a pas fallu beaucoup de temps pour reconnaître le mal qu’a fait au gouvernement représentatif la coalition, et nous n’apprendrons rien, même à ceux qui y ont joué le rôle le plus ardent, en leur