Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
Séparateur



30 septembre 1839.


Il n’est vraiment pas facile, pour un observateur impartial, de déterminer les caractères de la situation où nous sommes. Tout est si indécis et si pâle, tout se confond dans une telle égalité d’impuissance et d’apathie, que l’analyse de ces tristes élémens est laborieuse et pénible. Ce sont là, il faut bien le reconnaître, les fruits amers de la coalition. Si nous parlons ainsi, ce n’est pas que nous ayons envie le moins du monde de nous engager dans des récriminations sur le passé ; mais, tout en s’efforçant d’oublier ce qui fut mal, il ne faut pas moins prendre souci du présent, en signaler les infirmités, pour éveiller sur les remèdes possibles la sollicitude de l’opinion. Comment se défendre d’un sentiment presque douloureux, lorsqu’en jetant les yeux sur la scène politique, on aperçoit frappés de décadence et de stérilité les partis, les positions, les influences et les hommes à la force desquels on avait cru pendant long-temps ? Une torpeur générale a succédé à la surexcitation qui a fatigué le pays en l’égarant. L’esprit public n’a pas péri sans doute, mais il sommeille aujourd’hui si profondément, qu’on se demande avec anxiété ce qui pourra le tirer de cette léthargie. Cet état est déplorable, mais n’a rien qui doive trop surprendre. Ceux qui se donnaient pour les organes de l’opinion ont tant abusé de sa confiance et de sa crédulité, ont cherché à lui inspirer tant d’alarmes qui se sont trouvées sans fondement, ont porté devant elle tant d’accusations qui ont été reconnues mensongères, qu’à leur insu ils ont travaillé eux-mêmes à la perte de leur propre crédit, et qu’ils ont ruiné la force dont ils disposaient en tendant le ressort au-delà de toute mesure. Il faudra du temps à certains journaux pour retrouver quelque prise sur l’esprit public, pour reconquérir quelque autorité. Dans les pays libres, la presse a une influence indiquée par la constitution, mais elle ne peut la conserver et l’agrandir qu’en se faisant elle-même l’interprète des principes sociaux ; à coup sûr elle la perdrait, cette influence, si on la voyait prête à soutenir des doctrines subversives, si des écrivains ne craignaient pas d’ho-