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MÉLANCTHON.

et d’hypocrisie ; et néanmoins cette rédaction, tantôt par des omissions calculées, tantôt par la généralité des termes, devait laisser quelque part aux dissidens, lesquels voulaient bien ajourner leurs prétentions et leurs espérances, mais non les voir formellement exclues du corps du nouvel Évangile, à titre d’hérésies. Mélancthon donnait tout le premier l’exemple de ces transactions, que du reste l’opiniâtreté des catholiques rendit faciles ; car, qui pouvait penser à disputer pour les conséquences ultérieures d’une opinion dont ceux-ci ne voulaient même pas accepter le principe ? Je cherche vainement, dans l’article sur la pénitence, la crainte servile de Mélancthon ; il en avait fait le sacrifice à l’intérêt commun.

Les plus grandes difficultés lui venaient de Luther et du landgrave de Hesse. C’étaient deux rudes maîtres, surtout pour un homme qui savait peut-être encore moins servir que résister. Luther, enchaîné à Cobourg, en proie à des douleurs de tête qu’il compare, dans son langage plein de figures, à des tourbillons de vent, supportait mal que les affaires se fissent sans lui, et n’était content ni de commander de si loin, ni qu’on lui obéît avec liberté. Quant au landgrave, comme il voulait la guerre, il favorisait les zwingliens, qui y poussaient et qui la déclaraient presque à l’empereur dans leurs prêches. Or, Mélancthon avait à faire souscrire à sa confession Luther, qui, selon ses lettres à l’électeur, ne pouvait marcher si doucement et à si petit bruit, et qui ne se reconnaissait, ni dans la simplicité pratique des interprétations, ni dans le ton modéré et égal dont elles étaient présentées. Il avait à obtenir l’adhésion du landgrave, pour qui c’était trop peu qu’on eût omis de parler des sacramentaires, que l’église saxonne assimilait dans le fond aux anabaptistes, les seuls sectaires contemporains réprouvés nommément par la confession. Le landgrave eût voulu plus, et sinon qu’on substituât leur article particulier sur l’eucharistie à celui des églises saxonnes, du moins qu’on sophistiquât sur ce dernier, de manière à y faire entrer le sens littéral, qui était celui des églises saxonnes, avec le sens figuré, qui était celui des sacramentaires. Mélancthon n’ayant pas de prise sur cet esprit ardent, d’autant plus opiniâtre qu’il défendait, sous des dissentimens théologiques, une politique déjà résolue, chargea Luther de le faire revenir. La peur qu’eut celui-ci des dispositions des zwingliens du landgrave le rapprocha du terme moyen que proposait Mélancthon. Il y attira bientôt ce prince, lequel souscrivit enfin, avec des réserves sur l’eucharistie, à la confession, aussi bien que Bucer, le représentant de l’église de Strasbourg, dont l’esprit subtil