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et insidieux[1] avait imaginé une quatrième interprétation des paroles de Jésus-Christ, dans la cène, entre le sens littéral diversement expliqué par les catholiques et les luthériens, et le sens figuré défendu par Zwingle et son église.

Toutes ces négociations étaient pendantes quand Charles-Quint arriva. Il fit son entrée à Augsbourg, le 16 juin 1530, sur le soir, accompagné de tous les princes qui étaient allés au-devant de lui par honneur. En avant de l’empereur marchait l’électeur de Saxe, portant l’épée, selon le privilége de son rang. Charles avait avec lui Ferdinand, son frère, roi des Romains, et le cardinal Campège, venu à la diète en qualité de légat apostolique. On reporta sur ce prélat, estimé pour sa modération, les espérances qu’on avait conçues de Mercurinus Gattinara, mort quelques jours auparavant. Campège trompa ces espérances ; il était venu avec la mission de conseiller à Charles-Quint l’emploi de la force ; il remplit cette mission jusqu’à la fin de la diète.

À peine arrivé, l’empereur fit appeler les trois princes évangéliques, l’électeur de Saxe, George, margrave de Brandebourg, et le landgrave de Hesse. Il n’avait auprès de lui que Ferdinand son frère, lequel, parlant habituellement l’allemand, lui servait d’interprète. Il leur demanda de faire cesser tous les prêches à Augsbourg. Ceux-ci répondirent que ce serait paraître nier le nouvel Évangile, si, avant toute discussion, ils supprimaient les prêches. Charles leur donna jusqu’au lendemain matin pour en délibérer.

Ils demandèrent dans la nuit une consultation à leurs théologiens. Mélancthon conseilla d’obéir. La principale raison qu’il en donnait, d’accord avec Luther, à savoir que, la ville appartenant à l’empereur, les princes et les théologiens n’y étaient qu’à titre d’hôtes, en cachait une plus sérieuse. Dans le fond, il tenait médiocrement à ce que les prêches fussent libres, cette liberté ne servant guère qu’à obscurcir les questions et à irriter les esprits. Mélancthon voulait circonscrire le débat au petit cercle des doctes, et ne regrettait pas qu’on fermât l’une des voies par où les hommes impatiens et sans lumières se jetaient dans des discussions qui portaient déjà la paix et la guerre.

Mais son avis ne fut pas suivi. Le matin, les princes se rendirent auprès de l’empereur, et renouvelèrent leur réponse de la veille, qu’il n’était point juste de les priver de la parole de Dieu, et que

  1. On lui donnait dans le parti l’épithète de Vulpinus.