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MÉLANCTHON.

cette exigence de César était contraire aux lettres de convocation qu’ils avaient reçues pour la diète. À de nouvelles insistances de Charles ils opposèrent de nouveaux refus, et les prêches particuliers continuèrent à Augsbourg.

Charles, trouvant sur ce point la résistance trop forte et n’étant ni disposé ni prêt à agir par les armes dès le début, demanda aux princes de l’accompagner à la procession du Saint-Sacrement qui devait avoir lieu le jour même ; qu’ils le fissent du moins pour honorer Dieu. C’était leur demander de trancher par une manifestation extérieure et publique l’une des questions sur lesquelles il s’était amassé le plus de controverses, et préparé le plus de résistances. Ils refusèrent, non sans y mettre toutes les formes de la déférence et du respect. Charles laissa échapper des menaces, et on put croire, à la violence de son indignation, que la diète n’irait pas plus loin. Une transaction apaisa tout. Il fut convenu que les prêches papistes comme les prêches évangéliques seraient supprimés, que toutefois l’empereur pourrait instituer des prédicateurs étrangers aux deux partis, lesquels enseigneraient l’Évangile sans commentaires. « Nous attendons, écrivait plaisamment Brentius, une chimère ou quelque animal tenant du cerf ou du bouc. » Il y eut un grand empressement à ce premier prêche, qui ne devait être ni papiste ni évangélique. « Nous étions là, ajoute Brentius, l’oreille tendue ; mais nous n’avons entendu qu’une simple lecture du texte de l’Évangile : seulement le prédicateur a commencé cette lecture par des prières communes pour les vivans et les morts, et l’a terminée par une confession générale. Vous avez là un prédicateur qui n’est ni papiste ni évangélique, mais qui s’en tient au texte nu[1]. »

Le 20 juin, une messe du Saint-Esprit fut célébrée dans la cathédrale d’Augsbourg, en grande pompe, avec chant et musique d’orgue. Avant la fin de la messe, un prédicateur attaché à la légation apostolique, Vincent Pimpinelli, prononça un discours devant l’empereur et les princes, lesquels étaient assis dans le chœur, qui était fermé. Il invita Charles-Quint et Ferdinand à s’unir pour détruire l’hérésie, et pour ramener toute l’Allemagne sous le joug de l’ancienne discipline romaine. Les réformés répandus dans l’église entendirent des éclats de voix, mais ne purent saisir le sens du discours. Ce fut par le margrave George, lequel savait assez de latin pour comprendre celui de Vincent Pimpinelli, qu’ils connurent dans quel esprit l’orateur avait parlé.

  1. Corp. ref., tom. II, no 729.