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MÉLANCTHON.

peine rentré dans ses états, en délibéra avec son principal conseiller, le docteur Martin Mellerstadt, qui l’avait accompagné dans un voyage en Palestine, et l’avait sauvé d’un grand péril. C’était un homme de beaucoup de savoir, et célèbre dans toute l’Allemagne en proportion de ce qu’il avait pris de peines et supporté de fatigues pour l’acquérir. Après avoir passé en revue toutes les villes des états de l’électeur qui pouvaient recevoir une académie, Mellerstadt nomma Wittemberg. L’électeur sourit. « — Wittemberg, dit-il, un village étroit, obscur, un amas de cabanes de boue, où l’on ne peut offrir l’hospitalité à personne ! vous n’y pensez pas. Il ne faudrait que quelques étrangers pour affamer une ville entourée, pour toutes plaines, de sables stériles et profonds. — Pourquoi, dit vivement Mellerstadt, vous défier de Dieu ? Vous devez à cette province cette marque de reconnaissance, que vos ancêtres en ayant tiré leur principal titre, il vous faut l’agrandir et l’élever. L’académie que vous fonderez à Wittemberg effacera toutes celles de l’Allemagne. — J’accepte le présage, dit l’électeur, et je prie Dieu qu’avec d’honnêtes conseils et de pieux efforts, l’évènement y réponde ! Que Wittemberg soit donc le siége de l’académie[1] ! »

On se mit aussitôt à l’œuvre. Frédéric fit bâtir une église dédiée à tous les saints, où il entassa des reliques recueillies et achetées à grands frais par toute l’Allemagne, afin qu’il n’y eût pas d’église qui ne cédât en richesses, sinon en grandeur, à celle de Wittemberg. Il fit construire aussi un couvent, outre celui des franciscains, rétablit l’évêché, et voulut que l’évêque fût à la fois le chef des études et de la religion ; il appela des professeurs, auxquels il donna pour premier recteur Mellerstadt, qu’il revêtit lui-même des insignes de la magistrature. Au bout de six mois, quatre cents jeunes gens étaient déjà inscrits sur les registres. L’électeur donna à l’académie un sceau où il était représenté lui-même avec la pourpre du roi des Romains, et l’épée que l’électeur de Saxe a seul le privilége de porter dans les diètes devant l’empereur. L’exergue portait ces mots : « Sous mes auspices, Wittemberg a commencé d’enseigner. »

Mellerstadt vit commencer et achever les nouvelles constructions ; mais il ne vit pas cette splendeur qu’il avait prédite, et qui devait obscurcir les autres académies, « car il mourut, dit un écrivain de Wittemberg, en 1514, trois années avant que le docteur Martin Lu-

  1. Discours sur la fondation de l’académie de Wittemberg. (Orationes Melancthonis.)