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UNE RUELLE POÉTIQUE.

quoi de plus touchant comme simple note, et de plus sensible que cet air-ci :

Aimables habitans de ce naissant feuillage
Qui semble fait exprès pour cacher vos amours,
Rossignols, dont le doux ramage
Aux douceurs du sommeil m’arrache tous les jours,
Que votre chant est tendre !
Est-il quelques ennuis qu’il ne puisse charmer ?
Mais hélas ! n’est-il point dangereux de l’entendre
Quand on ne veut plus rien aimer ?

Ainsi, chez Mme Des Houlières, la sensibilité, la mélodie, remplacent quelquefois ce qui manque pour l’imagination, et font taire le bel-esprit moraliste et raisonneur. Dans ses pièces plus longues, elle a moins réussi ; en quelques stances, pourtant, on découvrirait des éclairs de passion et surtout des traits de grace. Dans certaine de ses églogues, la bergère délaissée accuse les bocages de s’être prêtés aux amours infidèles de l’ingrat durant toute une saison,

Depuis que les beaux jours, à moi seule funestes,
D’un long et triste hiver eurent chassé les restes,
Jusqu’à l’heureux débris de vos frêles beautés.

Mme Des Houlières offre trop peu de vers comme ce dernier.

Je crois toutefois en avoir assez dit pour montrer qu’elle mérita de vivre. Il ne s’agit ni de réhabiliter, ni de proposer pour modèle, mais simplement de reconnaître ce qui fut, de retrouver, s’il se peut, la poésie aux moindres traces où elle a passé. La destinée posthume de Mme Des Houlières ne manqua pas de vicissitudes : elle semblait d’avance s’y attendre en se disant :

Tandis que le soleil se lève encor pour nous,
Je conviens que rien n’est plus doux
Que de pouvoir sûrement croire
Qu’après qu’un froid nuage aura couvert nos yeux,
Rien de lâche, rien d’odieux
Ne souillera notre mémoire ;
Que regrettés par nos amis
Dans leur cœur nous vivrons encore.
Pour un tel avenir tous les soins sont permis ;
C’est par cet endroit seul que l’amour-propre honore.
Il faut laisser le reste entre les mains du sort.

On l’accusa pourtant d’une action presque odieuse, d’avoir pillé son