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UN VOYAGE EN CHINE.

parlaient chinois, et lorsque, par hasard, je parvins à saisir un mot d’anglais, et que je voulus répondre, le Chinois à qui je m’adressais me fit dédaigneusement donner ce conseil par la personne qui m’accompagnait : « Dis à cet Européen d’aller apprendre l’anglais, no save talky (il ne sait pas parler). »

La première boutique qui attira mes regards dans les deux rues chinoises des factoreries, était un magasin de magots et de figures les plus bizarres qu’on puisse imaginer. Je fis comme un enfant qu’on mènerait dans une boutique de joujoux, et je passai deux heures dans celle-ci à admirer les mandarins hauts de trois pieds, couverts de riches habits, et les dames chinoises avec leur singulière coiffure et leur visage plâtré au naturel. Je m’amusai à faire branler la tête à des milliers de magots tous plus laids les uns que les autres, et, en les touchant légèrement, à faire horriblement remuer les yeux à d’épouvantables dragons qui semblaient prêts à me punir de mon audace. Ce qui m’intéressa le plus dans cette boutique, ce furent des poupées, quelquefois isolées, d’autres fois disposées en groupes, qui représentaient les costumes des différentes provinces de l’empire et les diverses habitudes de la vie chinoise. — Je passai de cette boutique dans un magasin de soieries. Là se déployèrent devant moi une multitude de châles de toutes couleurs et d’un travail exquis ; je pus froisser dans mes mains le crêpe le plus fin, orné de fleurs et de dessins variés, dont la broderie était admirable ; on me fit voir des pièces de soie dont la perfection pourrait à peine être égalée par nos meilleurs manufacturiers de Lyon. Les belles soieries chinoises viennent de la province de Nankin ; celles qui sont fabriquées dans la province de Canton sont généralement d’une qualité inférieure. Il y avait en quantité aussi des rubans parfaitement brochés, dont la vue aurait excité l’envie de bien des femmes, sans parler des foulards de toutes nuances, dont on me fit remarquer le poids et l’éclat. — Ébloui de tant de richesses, j’allai me reposer dans une boutique d’objets de laque ; mais le maître du magasin appela bientôt mon attention en étalant devant moi des nécessaires dont la laque était si pure et si brillante, qu’elle aurait pu servir de miroir. J’ouvris de charmantes tables à ouvrage, et je ne pus me lasser d’admirer le fini du travail des mille pièces d’ivoire qu’elles contenaient. On fit passer sous mes yeux des boîtes à jeu richement garnies, de jolies boîtes à thé, les mille objets enfin à la confection desquels on emploie la laque. — Auprès de ce magasin en était un autre où se trouvaient exposées toutes les richesses de la bijouterie. Les Chinois excellent dans l’art de travailler l’or et l’argent, et les ouvrages qui sortent de leurs mains sont le plus souvent supérieurs aux nôtres. Nulle part je n’ai vu de filigrane d’or et d’argent aussi léger, aussi fin ; on me présenta des boucles d’oreilles, des bracelets et des parures complètes, dont le tissu, s’il m’est permis de me servir de cette expression, ne peut être comparé à rien de ce que nous connaissons ; je remarquai surtout des boîtes d’un goût parfait et d’un travail si délicat, que, quoiqu’elles eussent sept ou huit pouces de hauteur, on en sentait à peine le poids dans la main.

Je passai de la boutique de bijouterie dans l’atelier d’un peintre, et je fus