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Dans la réimpression de Paris, publiée en 1539, Bonaventure est écrit Bon-adventure avec une intention sensible de déguisement, et Lamonnoye, à qui appartenait mon exemplaire, se croit obligé de marquer à la marge qu’il s’agit ici de Desperiers. Le nom de Desperiers, l’impiissimus nebulo de Voetius, était donc déjà proscrit ; ses meilleurs amis ne le rappelaient pas sans crainte, et, selon toute apparence, les poursuites de la justice avaient eu leur dernier résultat. Desperiers était en fuite. Il était probablement mort.

C’est aussi en 1537 que paraissent trois autres pièces que les vieux bibliothécaires du XVIe siècle attribuent à Desperiers. La première est le Valet de Marot contre Sagon, petit chef-d’œuvre de verve satirique et bouffonne, qui ne peut être que de Desperiers, puisque les bienséances de la modestie ne permettaient pas à Marot de le composer ; la seconde est la Prognostication des Prognostications, par M. Sarcomoros, secrétaire du roy de Cathay, boutade pleine de sel et de philosophie contre un genre de charlatanisme, alors fort accrédité, auquel Rabelais avait porté les premiers coups quatre ans auparavant dans la Prognostication Pantagrueline. Cette facétie, qui est omise par M. Barbier et que M. Brunet indique sans nom d’auteur, n’en est pas moins l’ouvrage authentique de Desperiers, puisque Du Moulin l’a réimprimée dans l’édition de 1544, où il n’est rien entré d’apocryphe. La troisième est la traduction de l’Andrie de Térence et du Traité des quatre Vertus Cardinales, selon Sénecque, dont on ne connaît plus qu’une édition de 1555, Lyon, in-8o, qui est d’une grande rareté, mais bien moins rare, à coup sûr, que celle de 1537, indiquée par M. Weiss et M. Barbier, et dont l’existence m’est démontrée. Une question singulière s’élève cependant ici : comment cette traduction de l’Andrie a-t-elle échappé à son ami Antoine Du Moulin, qui publia ses Œuvres, et qui a recueilli le poème des Quatre Vertus ? Quelque circonstance particulière, dont nous ne pouvons plus rendre raison, aurait-elle enveloppé cet invisible volume dans la proscription du Cymbalum Mundi ? Les questions de ce genre se présentent souvent, comme on sait, dans l’histoire de Bonaventure Desperiers.

Malheureusement pour Desperiers, toutes ses productions n’étaient pas de nature à défier la censure ecclésiastique, alors si puissante, comme les innocens opuscules dont nous venons de parler. Dans cette année féconde en travaux ingénieux, il publiait encore ou laissait publier le Cymbalum Mundi, le plus célèbre de tous ses ouvrages. S’il faut en croire Nicolas Catherinot, dont le témoignage,