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BONAVENTURE DESPERIERS.

seigneurs de notre époque impriment à leurs livres, quand ils en ont, une recommandation aussi profitable : l’âge des bibliothèques est passé. Le plus curieux de tous les cabinets du monde ne rapporte pas d’intérêts.

L’ouvrage de Bonaventure Desperiers auquel nous arrivons par l’ordre chronologique des publications, est beaucoup moins connu que les précédens, quoiqu’il soit encore plus digne de l’être. Il faut fouiller dans ces vagues, mais précieuses archives de l’histoire littéraire qu’on appelle les Ana, ou interroger de vieux catalogues, pour en retrouver quelques indices. La Monnoye a cru pouvoir l’attribuer à Élie Vinet et Jacques Pelletier du Mans, si souvent nommé dans la biographie de Desperiers, et c’est l’opinion que M. Barbier a suivie, quoique des savans, mieux fondés dans leurs conjectures, en fissent honneur à Desperiers. Mais qui se serait résigné à l’examen approfondi de cette question, quand l’éditeur du livre semble avoir pris plaisir à la rendre tout-à-fait étrangère aux études sérieuses par le choix d’un titre énigmatique et bizarre qui n’annonce qu’une lourde facétie ? C’est en 1557 qu’Enguilbert de Marnef imprima à Poitiers, avec une élégance à laquelle l’imprimerie n’atteindra plus, le singulier volume in-4o de 112 pages, intitulé : Discours non plus mélancoliques que divers, de choses mesmement qui appartiennent à notre France : et à la fin, la manière de bien et justement entoucher les lucs et guiternes. Personne n’est tenté, il faut en convenir, d’aller chercher un chef-d’œuvre là-dessous. Pour l’y trouver, il faut lire, et l’occasion de lire les Discours se présente fort rarement, car mes recherches ne constatent pas l’existence de plus de trois exemplaires. J’en possède un que j’ai lu et relu souvent, le lecteur peut m’en croire, et je lui dois le fruit de mes observations dont il est maître de tirer telle conséquence que bon lui semble. Ma conviction est aussi parfaitement établie que si j’avais assisté à la composition du livre, mais je n’ai pas l’autorité nécessaire pour l’imposer à personne, et c’est un de mes moindres soucis.

Jacques Pelletier était l’ami de Desperiers, résidant à Montpellier, en 1544, qui avait conservé en ses mains une partie des nobles reliques de cet admirable écrivain, et dont Antoine Du Moulin fait mention dans sa dédicace à la reine de Navarre. Il était à Paris, en 1556 ou 1557, prêt à commencer d’assez longs voyages en Italie, en Suisse et en Savoie. Il était venu peut-être y recueillir l’héritage littéraire de son compatriote Nicolas Denisot, mort un ou deux ans auparavant, et y préparer la publication des ouvrages inédits de Despe-