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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

loi. Mais la pensée publique ne se préoccupait alors que d’un petit nombre de points, au premier rang desquels figuraient l’abaissement du cens, et la suppression du double vote, combinaison improvisée lors de la loi de 1820, et qui ne fut défendue par personne. Le débat s’étant concentré tout entier sur la quotité du cens électoral et d’éligibilité, dont l’abaissement était considéré comme un engagement de la constitution nouvelle, aucune autre question ne put être abordée d’une manière quelque peu sérieuse. La France ne comprenait la liberté électorale que dans les conditions où elle l’exerçait depuis 1817, et l’on doit même reconnaître qu’une idée dont l’initiative appartient au cabinet de cette époque, l’adjonction des catégories de capacités, ne saisit vivement ni le pays, ni la chambre, malgré les considérations développées par le ministre auteur du projet, considérations qu’il me paraît utile de rappeler dans un moment où l’idée avortée en 1831 ne peut tarder à reparaître dans nos débats parlementaires.

En proposant pour base de la loi le doublement du nombre des électeurs censitaires inscrits aux listes de 1830, le ministre déclarait qu’il avait cherché à étendre les capacités électorales en les demandant à tout ce qui fait la vie et la force des sociétés, au travail industriel et agricole, à la propriété et à l’intelligence.

« La propriété et les lumières sont les capacités que nous avons reconnues. La propriété d’une part, la seconde liste du jury de l’autre part, procuraient une application immédiate de la théorie adoptée… Un gouvernement né des progrès de la civilisation devait à l’intelligence de l’appeler aux droits politiques sans lui demander d’autre garantie qu’elle-même. Il y avait, il faut en convenir, quelque chose de trop peu rationnel dans cette faculté donnée par la loi du jury à tous les citoyens éclairés de pouvoir juger de la vie des hommes, et qui n’allait pas jusqu’à concourir à la nomination de ceux qui font les lois[1]. »

De cet ensemble de dispositions relatives aux capacités et aux électeurs censitaires résultait, selon l’exposé des motifs, une masse de plus de deux cent mille électeurs.

Peut-être avez-vous suivi les débats auxquels ce projet donna lieu. Je le regretterais pour la dignité de mon pays et de sa représentation nationale, qui ne se montra jamais si fort au-dessous de ses devoirs et de son rôle. Ce fut, monsieur, un déplorable spectacle que celui de

  1. Exposé des motifs par M. le comte de Montalivet, 31 décembre 1830.