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tion aient donné lieu à des controverses envenimées, à des contestations hostiles ; que des écrivains, d’ailleurs recommandables, aient pu étaler avec faste la découverte d’une date ou d’un prénom, et triompher avec un menaçant orgueil de quelques légères inadvertances, un tel égarement serait incroyable, s’il n’était attesté par trop d’exemples. M. Van-Praët est peut-être le seul bibliographe de profession qui s’en soit toujours préservé !… » Quelle insinuation fine et détournée, quel conseil opportun, même pour les archéologues, au milieu de l’Académie des Inscriptions ! Qu’en aura pu dire, par exemple, M. Raoul Rochette ? Lorsqu’on songe à ces mille querelles, souvent scandaleuses, à ces incroyables haines, des bibliothécaires à l’occasion d’un obscur manuscrit, des bibliographes pour l’année d’une édition, des érudits pour l’esprit rude ou doux d’un mot grec ; lorsqu’on reporte son regard à ces passions particulières, à ces envies étroites, sortes de maladies à part, sui generis, que développe chez un grand nombre l’assiduité aux dépôts de livres ou aux académies, on comprend la haute probité des paroles de M. Daunou, de cette spirituelle et ferme leçon de moralité scientifique que lui seul pouvait donner, et qui était si convenablement placée dans la bouche d’un savant illustre mêlé avec honneur depuis cinquante ans à tous les grands évènemens de la science et de la politique. L’Académie des Inscriptions s’est honorée elle-même en confiant à M. Daunou le titre de secrétaire perpétuel. Pour ne parler que des notices nécrologiques qui rentrent dans ces fonctions, qui eût su plus délicatement que lui mêler dans les biographies l’appréciation équitable et la convenance des éloges à l’impartialité nécessaire et supérieure du critique ? Il y a d’ailleurs un long compte à solder pour ces notices, et l’Académie des Inscriptions a derrière elle toute une génération de ses membres dont la biographie est en retard. Heureusement quelques noms sont devenus vite obscurs, et il sera permis de glisser rapidement sur des mémoires oubliées et peu dignes de réveil. Mais dans cette cinquantaine d’éloges qui manquent encore, M. Daunou trouvera aussi bien des figures modestes de savans à remettre dans leur jour, bien des souvenirs éclatans à évoquer. Comme Fontenelle, il suffira à cette tâche dont il s’acquitte avec un art sobre et consommé. Parmi les noms plus récens et vers lesquels son choix se trouvera incessamment porté, sans nul doute, il faut compter M. de Talleyrand. Rien ne serait plus piquant qu’une pareille séance.

La notice sur Vanderbourg donne à entrevoir la figure à demi dérobée d’un érudit ingénieux et quelque peu poète, qui contribua à introduire en France, avec discrétion, la connaissance de la littérature allemande. M. Daunou dit de ce sage critique ce qui s’appliquerait bien mieux encore à lui-même : « La rigueur de ses jugemens est inexorable, mais tellement tempérée par l’urbanité de l’expression, que ses censures ne sont plus que d’utiles conseils, de bons offices, et presque des hommages. »

En même temps qu’il relevait les bustes, déjà dans l’ombre, de Van-Praët et de Vanderbourg, M. Daunou consacrait aussi deux articles à ses anciens amis La Romiguière et Parent-Réal. Le morceau sur La Romiguière est excel-