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rience font reconnaître ensuite que partout où il y a lutte permanente à soutenir et des combats à livrer, il n’y a pas de force isolée qui puisse se suffire à elle-même.

On s’était séparé pour ne pas rester ensemble ; on était allé d’un côté et de l’autre pour ne pas être tous groupés au centre. Le moyen de s’écarter l’un de l’autre sans marcher ! Mais l’isolement absolu est impossible aux hommes politiques. Aussi, pour ne pas être l’égal de ses égaux au premier rang, on est descendu au second ; pour ne pas être fort avec les forts, on s’est trouvé nécessairement associé avec ceux qu’on paraissait regarder comme les plus faibles, et dont on avait plus d’une fois été les vainqueurs.

On sait ce qui arrive en pareil cas. On s’est affaibli parce qu’on a eu l’air de venir à résipiscence. Dans les nouvelles alliances, celui qui devait conduire est conduit ; celui qui devait gouverner n’est plus maître de lui-même. C’est le monde renversé.

Il est des hommes qui se consolent de tout échec par l’importance personnelle que leur donne le rôle qu’on leur laisse jouer. Mais les hommes considérables se rapetissent ; les institutions se faussent ; le pays est étonné, scandalisé, et alors surgissent et s’animent de nouveau les rénovateurs du monde, les songe-creux et les brouillons. L’esprit de bouleversement et de désordre s’infiltre de plus en plus dans les entrailles de la société ; avec la plus grande habileté, on parvient seulement à tout affaiblir et à rendre toute chose incertaine. La police vient encore de découvrir des préparatifs insensés.

Tout cela doit avoir un terme prochain. En France, le bon sens ne se laisse pas renier long-temps.

Les derniers évènemens parlementaires ont commencé un grand travail de dissolution et de recomposition. Des adhérences artificielles sont près de se briser, les groupes naturels de se reformer. Plus d’un malentendu sera expliqué, plus d’une erreur dissipée.

De graves questions vont être lancées dans l’arène parlementaire. Nous le désirons fort : en présence de ces questions, les positions intermédiaires, adroites peut-être, mais petites, faibles, peu dignes, ne seront plus tenables. Le pays voudra connaître nettement à qui il a affaire. Pour être quelque chose à ses yeux, il faudra décidément être quelqu’un, arborer son drapeau et le tenir d’une main ferme. Les petites nuances dans un sens ou dans l’autre doivent disparaître. Il ne s’agit plus de se juxta-poser par manière d’expédient, mais de se fondre avec ses analogues, quels qu’ils soient, en quelque place qu’on les trouve.

Le ministère lui-même ; qui nous est venu de camps en apparence du moins fort divers, nous dira loyalement, à l’occasion des questions constitutionnelles, ce qu’il est et ce que nous devons penser de lui. Est-ce aux mêmes principes que M. Dufaure et M. Cunin-Gridaine entendent consacrer, l’un son beau talent, l’autre ses bonnes intentions ? Est-ce au service de la même cause que M. Duchâtel et M. Passy mettent leurs lumières et leur expérience ? Nous l’espérons.

Ce que les ministres devront faire en donnant ainsi un exemple utile et