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ses disciples à sa gloire, et intimider la gloire naissante de Mélancthon.

La querelle se calma, moins, comme il arrive en des temps si agités, par un adoucissement dans les personnes ou un changement dans les opinions, qu’à cause des évènemens qui suscitaient de nouvelles affaires avant que les affaires en instance fussent décidées. Les querelles se terminaient moins qu’elles ne s’ajournaient ; au moindre répit, toutes les haines du passé profitaient pour se réveiller de ces courtes trêves du présent. Ce ne fut pas la seule fois que Mélancthon eut à défendre sa modération contre les attaques d’Agricola.

Cette querelle aurait pu lui faire voir tout ce qui l’attendait dans le cours de sa vie. À l’égard de son parti, sa modération, quoique demeurée en-deçà du schisme, l’exposait à ces haines d’autant plus sourdes et plus profondes, qu’on ne leur a pas donné de motif manifeste d’éclater. À l’égard des catholiques, cette même modération, assez grande pour qu’elle leur semblât une offre de transaction, et qu’elle les tentât de lui faire des avances qui devaient être repoussées, l’exposait à la haine du tentateur qui se voit dédaigné. Il est vrai que, pour compenser les difficultés et les périls de cette situation, Mélancthon eut toutes les douceurs du beau rôle de modérateur. Si tant de mécontentemens cachés ou éclatans le lui rendirent le plus souvent insupportable, en retour il dut quelquefois en tirer une secrète gloire, en voyant, par son exemple, combien la modération est nécessaire aux sociétés humaines, puisque les partis les plus violens, soit avant de se ruer l’un sur l’autre, soit après le combat, et pour régler la victoire, ont besoin de sa médiation, et l’invoquent en la calomniant.

Il en eut bientôt une preuve dans l’ordre qu’il reçut d’accompagner, en 1529, l’électeur Jean-Frédéric à la diète de Spire. C’est là qu’après bien des disputes, aucun des deux partis n’étant assez fort pour opprimer l’autre, ils s’accordèrent pour frapper les anabaptistes et les sacramentaires qui les embarrassaient également. Ils concoururent aux décrets violens qui furent rendus contre l’ennemi commun, les réformés avec moins d’empressement, et non sans de grands délais, parce qu’ils soupçonnaient les catholiques d’y avoir plus d’intérêt qu’eux. Mais une fois les anabaptistes et les sacramentaires rejetés, il fallut bien que les catholiques et les luthériens se regardassent en face. Les premiers, qui avaient la majorité des voix, décrétèrent que tous ceux qui avaient jusqu’alors conservé les anciennes traditions fussent tenus d’y persévérer ; que quant à ceux