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forment un établissement fixe à Whampoa, de quelque nature qu’il soit. L’hôpital ophthalmique de Canton a été fondé par la société des missions américaines, sans doute dans des vues de propagation de ses croyances religieuses ; mais, quel que soit le sentiment qui a présidé à sa fondation, c’est une œuvre de charité bien entendue. Les maladies d’yeux sont très fréquentes en Chine ; elles se présentent à chaque pas sous toutes les formes possibles. J’attribue cette circonstance à l’habitude qu’ont les Chinois de se faire nettoyer les cils avec une espèce de poinçon ; j’ai frémi cent fois en rencontrant en plein vent, au milieu des rues, des hommes dont un barbier sondait avec un instrument de fer les paupières retournées. On m’a assuré que le docteur Parker est un oculiste de mérite et un habile opérateur. L’immense galerie de l’hôpital est couverte de tableaux représentant les cures merveilleuses de toute espèce qu’il a faites ; mais, tout en admirant sa philanthropie, la vue de ces tableaux, et surtout celle des flacons qui contenaient les résultats de ses épouvantables opérations, produisirent sur moi une impression que je ne chercherai pas à vous faire partager. Il y avait environ trois cents hommes ou femmes, assis sur des bancs autour de la galerie, et qui attendaient la visite du docteur, pendant laquelle celui-ci nous permit de l’accompagner. Je fus touché de l’extrême douceur avec laquelle le docteur traitait ses malades ; il leur parlait avec la plus grande bonté, les interrogeait, les consolait avant d’appliquer le remède au mal. Presque tous les patiens que nous avions devant nous étaient attaqués de maladies d’yeux, depuis la cataracte dans son principe jusqu’à la plus affreuse période de la maladie. Mais je ne veux pas m’arrêter plus long-temps sur ce triste tableau, bien que l’admirable dévouement du docteur Parker me le rappelle souvent. Au deuxième étage, il y a quelques chambres avec une douzaine de lits occupés par des malades que le docteur soigne et nourrit dans l’hôpital. Nous y vîmes un mandarin de l’intérieur qui, sur la réputation de M. Parker, était venu, d’une province éloignée, chercher du soulagement à une maladie d’yeux invétérée. N’est-ce pas une admirable mission que celle du docteur Parker, et n’est-ce pas une belle œuvre que la sienne ? J’oubliais de dire que les soins du docteur et les médecines de l’hôpital sont donnés gratis aux malades. À la fin de chaque année, M. Parker présente son budget à la société des missions, et il n’en reçoit pour lui-même que ce qui est absolument nécessaire à son entretien. Tous les Chinois qui ont entendu parler du docteur Parker ont pour lui une profonde vénération, et il doit avoir sur eux une grande influence. C’est un noble moyen de civilisation que celui qui s’appuie sur de bonnes actions et sur un dévouement dont la récompense n’est pas au pouvoir des hommes. Je ne crois pas, cependant, que les missions des religions réformées fassent beaucoup de prosélytes en Chine ; leur doctrine est trop abstraite et parle trop peu aux sens pour faire une vive impression sur cette population, qui n’est rien moins que mystique. Les missions catholiques ont généralement plus de chances de succès ; les pompes de l’église romaine, ses statues, ses images, frappent plus l’imagination des Chinois que la lecture et les sévères principes de la Bible. Aussi, s’il y a en Chine, ce que je ne crois