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témoin d’une partie de cartes entre deux hanistes dont l’un avait la vue très basse. Son adversaire, profitant de cette infirmité, se levait doucement sur la pointe des pieds, et pendant que le myope, la figure collée sur ses cartes, cherchait à les distinguer et à les arranger, il les regardait tout à son aise ; l’autre cependant, tout occupé qu’il parût être, ne perdait pas son temps ; et, tandis que le tricheur faisait son inspection, il avançait doucement la main et lui volait son argent sur la table. Cette petite scène ne ferait-elle pas un excellent sujet de caricature, surtout si le peintre faisait ressortir le costume sérieux et la figure grave et impassible des deux vieux marchands ?

Nous arrivâmes à Macao après trente heures de voyage, et quelques jours après, un brick américain me reconduisit à Manille.


Canton, qui est le seul port de la Chine ouvert au commerce étranger, a un mouvement commercial très considérable. Le chiffre s’en est élevé, en 1837, à deux cents millions d’importation et à deux cent vingt millions d’exportation. — La part du commerce anglais est, en Chine, comme presque partout, la meilleure ; il a importé dans ce pays, pendant la même année, une valeur de 180,718,000 francs, et en a exporté environ 161,400,000 francs. Il est vrai que l’opium entre, dans le chiffre de ses importations, pour une valeur considérable, qui n’a pas été, en 1837, moindre de quatre-vingt-dix-neuf millions de francs.

C’est l’Inde anglaise qui fournit cette denrée, ainsi que les quarante-cinq millions de francs de coton brut que reçoit annuellement la Chine ; le reste des importations anglaises se compose d’environ quinze millions de francs de draps et autres étoffes de laine, de huit millions d’étoffes de coton, et de vingt cinq millions d’autres produits que fournissent les mines et les manufactures de l’Angleterre. Ne sont-ce pas là de beaux résultats ? et ne devons-nous pas envier à nos voisins cet esprit commercial, cette active industrie qui leur ouvrent, sur tous les points du globe, des sources si fécondes de richesse et de prospérité ?

En échange des marchandises qu’elle apporte à la Chine, l’Angleterre lui demande, chaque année, environ 90,000,000 fr. de thé, 45,000,000 fr. de soie grège, 5,000,000 fr. de sucre brut ou candi, et 25,000,000 d’or ou d’argent monnayés.

Si nous plaçons notre commerce en Chine en regard du commerce anglais, la comparaison est loin d’être à notre avantage. Aux cent quatre-vingt-six millions d’importation de l’Angleterre, nous ne pouvons opposer, en 1837, qu’une valeur de 650,000 fr, et à ses exportations une valeur de 1,400,000 fr.

J’ai presque honte d’écrire ces chiffes, et je ne puis m’empêcher de déplorer notre infériorité. Nous abandonnons, presque sans lutte, à nos rivaux, un marché sur lequel nous pourrions entrer, pour certains articles, en concurrence avec eux. Le mal est grand, il l’est d’autant plus que nos manufactures ne fournissent même pas cette humble valeur de 600,000 fr. à la consomma-