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VOYAGE
DANTESQUE.

C’est un vrai malheur pour les admirateurs sincères de Dante que la mode se soit emparée de ce grand poète. Il est cruel pour les vrais dévots de voir l’objet de leur culte profané par un engouement qui n’est souvent qu’une prétention. Ce n’est rien de tenir tête à l’injustice de l’opinion, il y a dans la lutte un plaisir secret qui soutient et anime à la résistance. — Mais il faut souvent un vrai courage pour persister dans une opinion juste, en dépit de ses défenseurs. Oh ! le bon temps pour les amis de Dante et de Shakspeare que celui où tous deux étaient traités de barbares ! Cependant on ne doit point renoncer à sa religion, parce qu’elle est professée par une foule qui ne croit pas du fond du cœur ; on ne peut abandonner ses affections littéraires, parce qu’il est du bon air d’en afficher de pareilles. Il faut être fidèle au génie et à la vérité quand même ; il faut tenir pour le christianisme, malgré les argumens de certains apologistes et la foi de certains croyans ; il faut tenir pour la liberté, malgré certains libéraux ; il faut admirer les grands poètes du siècle de Louis XIV, malgré les protecteurs officieux de leur gloire. Enfin, je suis résolu à persévérer dans mon amour pour la poésie de Dante, bien que ce