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ses finances et son commerce. Que veut Espartero ? quels sont ses projets ? quels sont ses rêves ?

La crise ministérielle se prolonge à Madrid. On dirait d’une épidémie politique qui a passé les Pyrénées. Le ministère espagnol n’a déjà que trop retardé la dissolution des cortès. Il n’a pas su profiter du moment. Au reste, il n’y a en définitive qu’un homme fort, par sa position du moins, en Espagne ; c’est Espartero. La reine et le général en chef, en eux se résume toute la haute politique du gouvernement espagnol.

On dit que nous verrons enfin paraître un ambassadeur de Naples, le duc de Serra-Capriola. Aussi M. de Montebello, ambassadeur de France près de sa majesté sicilienne, s’apprête-t-il à quitter Paris pour se rendre à son poste.

Un journal qui se dit bien informé prétend que le ministère vient d’apprendre qu’un arrangement définitif entre le pacha et la Porte a été signé, ou qu’il est sur le point d’être signé. Cette nouvelle nous semble prématurée. Ce que le ministère a pu apprendre, c’est l’adhésion du vice-roi d’Égypte aux propositions équitables et conciliatrices de la France. Reste ensuite à obtenir l’adhésion de la Porte, qui l’accorderait promptement si toutes les puissances secondaient les efforts de notre ambassadeur, mais qui mettra tout en œuvre pour la retarder, si, comme on peut le craindre, il n’y a pas accord parfait entre les diverses ambassades à Constantinople. Si M. de Metternich avait osé avoir une volonté indépendante de Saint-Pétersbourg dans une question qui tient si fort à cœur à la Russie, et appuyer franchement les idées de la France, le traité entre la Porte et Méhémet-Ali serait peut-être signé à l’heure qu’il est, et la paix du monde assurée pour long-temps encore. Mais, quoi qu’on en dise, les hommes de la sainte-alliance resteront les mêmes jusqu’au dernier jour de leur longue carrière. Aussi ce qu’on a dit d’un brusque rapprochement de la politique russe et de la politique autrichienne, dans la question d’Orient, et cela sur la menace qu’aurait faite la Russie de rompre formellement la sainte-alliance, nous paraît beaucoup plus vraisemblable que la nouvelle de la signature du traité. En n’appuyant pas la France, l’Autriche seconde en même temps les petites colères, la mauvaise humeur de lord Palmerston, et se retrouve dans son assiette naturelle, entre l’Angleterre et la Russie, entre l’Angleterre qui la cajole et la Russie qu’elle redoute.

Il n’est pas moins certain pour nous qu’un traité sera signé sur les bases que la France, dans son désir bien sincère de mettre fin à une lutte menaçante pour le repos du monde, a suggérées aux parties belligérantes. L’équité et la raison doivent l’emporter aujourd’hui, même en diplomatie. D’ailleurs, les chefs des cabinets du Nord sont bien vieux : M. de Nesselrode est fort occupé de ses affaires particulières, M. de Metternich de sa santé. Le cabinet prussien est trop sage, sur la politique extérieure du moins, pour ne pas seconder nos efforts, bien qu’avec tous les ménagemens qu’il doit à la Russie. Ajoutons que l’empereur Nicolas est dans ce moment fort préoccupé, et avec raison, de l’intérieur de sa famille, de la santé des personnes qui lui sont les plus chères : dans les gouvernemens absolus, la famille et l’état ne sont pas sans influence l’un