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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/665

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EXPÉDITION AU SPITZBERG.

tion durable. En 1633, sept hommes entreprirent de passer l’hiver dans cette froide contrée, et surmontèrent heureusement tous les dangers, toutes les souffrances auxquelles ils s’étaient dévoués pendant dix longs mois. L’année suivante, sept autres Hollandais, encouragés par leur exemple, voulurent braver les mêmes périls, mais ils furent tous victimes de leur témérité. Le 20 octobre, le soleil disparut complètement à leurs yeux. Un mois après, ils commencèrent à ressentir une première atteinte de scorbut, et le mal alla toujours en augmentant. Le 24 janvier, l’un d’eux succomba dans de violentes douleurs ; un autre ne tarda pas à le suivre, puis un troisième. Ils voyaient alors fréquemment des ours blancs ; mais ils étaient déjà trop exténués pour sortir de leur cabane et engager une lutte avec ces animaux voraces. Leurs gencives s’enflaient sans cesse, et bientôt leurs dents tremblantes ne leur permirent plus de manger du biscuit. Le 24 février, ils revirent une faible lueur de soleil. Le 26, ils cessèrent d’écrire leur journal. Celui qui le rédigeait traça d’une main vacillante ces dernières lignes : « Nous sommes encore quatre ici couchés dans notre cabane, si faibles et si malades, que nous ne pouvons nous aider l’un l’autre. Nous prions le bon Dieu de venir à notre secours, et de nous enlever de ce monde de douleurs où nous n’avons plus la force de vivre. »

Les Hollandais, qui arrivèrent au Spitzberg en été, trouvèrent la cabane de leurs malheureux compatriotes fermée en dedans, sans doute pour empêcher les ours et les renards d’y entrer. Deux de ces pauvres aventuriers étaient étendus dans leur lit. Deux autres avaient cherché à se rapprocher, ils étaient couchés sur de vieilles voiles, et leurs genoux touchaient presque leur menton. À côté d’eux était une carcasse de chien rongée jusqu’aux os et la moitié d’un autre qu’ils avaient eu sans doute le dessein de faire cuire.

Un demi-siècle plus tard, on attachait déjà beaucoup moins d’importance à ces projets de colonisation, car les baleines devenaient d’année en année plus rares, et les armateurs, par conséquent, moins empressés à envoyer des bâtimens dans ces lointains parages. Les Anglais continuèrent plus long-temps que les autres cette pêche à laquelle ils avaient attaché tant de prix. Scoresby était encore au Spitzberg en 1818 et 1822. Il est heureux pour la science qu’il ait entrepris ces expéditions. Son récit de voyage est l’un des meilleurs livres qui existent sur la nature et les principaux phénomènes des mers polaires. Après lui, on n’a plus vu au Spitzberg que deux ou trois bâtimens anglais, dont les recherches infructueuses achevèrent de décourager ceux qui déjà n’équipaient plus sans de grandes hésitations un navire pour ces contrées. Maintenant la baleine mysticetus, que l’on venait autrefois chercher ici, a complètement disparu des baies du Spitzberg. On ne trouve que la baleine boops, si difficile à harponner, que les pêcheurs n’essaient pas même de la poursuivre.

Les Russes, qui, depuis le commencement du XVIIe siècle, venaient avec de petits navires poursuivre sur ces côtes le phoque, le dauphin blanc, et surtout le morse, continuèrent leurs explorations, et il y a une vingtaine d’an-