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sance que celle de ses maîtres, dût cette puissance n’être représentée que par un vieillard assis sur des ruines.

Singulière destinée de cette église catholique qui, depuis tant de siècles, a vu passer tant d’ennemis ! On l’accuse d’abaisser l’intelligence et de dégrader les ames, d’opposer d’invincibles obstacles à la liberté ; et, seule aujourd’hui dans le monde, elle résiste au pouvoir et ose entrer en lutte avec lui ! Elle a émancipé l’Irlande, constitué la Belgique, béni l’héroïque martyre de la Pologne ; ses évêques secouent d’un mot le sommeil séculaire de l’Allemagne, pendant que ses missionnaires vont mourir en Chine sur les chevalets des mandarins. Mais, en même temps qu’elle résiste aux pouvoirs lorsqu’ils empiètent sur le domaine des consciences, elle les accepte et les consacre sans hésiter sous toutes les formes, du jour où ils sont assez forts pour lui garantir la liberté de sa prière et de sa foi, et passe insouciante au milieu des révolutions, tant que la violence n’a pas rompu la chaîne qui, par elle, unit la terre au ciel. Le catholicisme voit tomber les royautés et les empires, sans prendre souci de ces jeux de la fortune, et à peine un pouvoir en a-t-il remplacé un autre, qu’il s’en arrange aux mêmes conditions et au même prix. Si, pendant des siècles, en Europe, il s’est assis sur le trône des rois, l’Amérique républicaine le voit parcourir joyeusement ses déserts avec le bâton du pèlerin. Il célèbre les rites sacrés, ici dans des temples éclatans d’or, là dans des huttes de bambou ; citoyen de toute la terre, et contemporain de tous les âges, il est partout à sa place, dès que sa voix peut descendre sans intermédiaire de l’oreille de l’homme jusqu’à son cœur.

Il a fallu que l’opinion s’abusât étrangement en France pour penser qu’une telle croyance s’y associerait aux vicissitudes d’une dynastie ; au point de s’estimer atteinte par le coup qui l’aurait frappée. La religion peut respecter de grandes infortunes ; mais son premier intérêt, comme son premier devoir, est de ne s’inféoder jamais aux causes vaincues, et de marcher toujours avec le présent qui doit si promptement devenir le passé pour elle. À ses yeux, le fait engendre seul le droit, et tout pouvoir est légitime dès qu’il exerce une mission d’ordre qu’on peut à bon droit nommer divine. Cujus est imago hœc et superscriptio[1] ; voilà, en fait de légitimité, le seul criterium du catholicisme.

Une longue persécution parut, il est trop vrai, établir entre des

  1. Matth. XXII, 20.