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on n’a pu opposer jusqu’ici que des palliatifs plus ou moins impuissans, parce qu’elles résident dans les fondemens mêmes de la société.

Après avoir décrit la configuration extérieure de l’Allemagne, il faut parler des hommes qui l’habitent. La race allemande a joué dans l’histoire un rôle des plus considérables. Les peuples qui ont envahi l’empire romain lors de sa dissolution appartenaient à cette race, ceux du moins qui ont reconstruit après avoir détruit. Il n’y a presque aucune des nations modernes qui n’ait dans ses veines un mélange de ce sang teutonique par l’infusion duquel le vieux monde a été régénéré. L’Angleterre et la France doivent aux tribus germaines leur glorieux nom et les rudimens de leur constitution politique ; l’Espagne a été profondément modifiée par elles ; l’Italie a reçu leur empreinte à ses deux extrémités. Ces peuples, grace à la simplicité de leurs mœurs et à leur sauvage indépendance, avaient conservé une vigueur qui n’existait plus chez les populations abâtardies par la domination romaine. Ils apportèrent avec eux des coutumes et des institutions qui, fécondées par l’action puissante du christianisme, furent la base des institutions sociales de l’Europe moderne. Leurs inclinations guerrières et leur sentiment exalté de l’honneur préparèrent le mouvement chevaleresque du moyen-âge. Adoucis à grand’peine par l’influence de l’église chrétienne, ils furent pour elle des écoliers rudes et turbulens, mais d’une nature forte et généreuse, qu’une éducation habile devait facilement pousser aux grandes choses. On sait assez quel éclat ont jeté les races mélangées de sang allemand, celtique et romain ; mais la pure race germanique n’a laissé sans gloire le berceau commun ni dans les temps anciens, ni dans les temps modernes. L’unité seule a manqué à l’Allemagne pour se maintenir au rang où devait la placer ce qui lui était resté de l’héritage de Charlemagne, l’honneur d’être le siége du saint empire et comme la métropole de la souveraineté temporelle dans la chrétienté. À défaut de cette suprématie, il lui est resté le privilége de fournir des maisons royales à tous les autres pays. En ce moment, l’Angleterre, la Russie, le Danemark, la Hollande, la Belgique, la Hongrie, l’Italie septentrionale presque toute entière, le Portugal et la Grèce sont gouvernés par des princes de famille allemande. Ce n’est qu’au siècle dernier que l’Espagne et Naples ont échappé à la maison d’Autriche ; c’est de nos jours seulement qu’un soldat de fortune français a remplacé sur le trône de Suède les princes de la maison de Holstein, en sorte qu’il n’y a que la France et la Savoie qui n’aient jamais payé à l’Allemagne ce singulier tribut.