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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

Le vrai nom des Allemands est Deutsche ou Teutsche (Teutons) ; de là vient l’italien Tedesco, et notre ancien mot Tudesque ou Théotisque. Le nom d’Allemands a prévalu dans notre langue, soit à cause des fréquentes guerres de la tribu germanique des Alemans (Alemanni) contre les Gaulois et les Francs du Bas-Rhin[1], soit à cause des rapports de voisinage de la France avec la Souabe, appelée Alemania, parce que le fond de la population appartenait à la branche alémanique. Le nom de Teutsche, connu des Romains dès le temps de Marius, dérive de celui du dieu Tuisco ou Tuisto, fils de la Terre, dont les Germains se vantaient de descendre. À ce même nom se rattachent les vieux mots de thiud, teut, diet, sur le sens desquels les savans ne sont pas d’accord, mais qui indiquent quelque chose de divin, de primitif, d’indigène. Le nom de Germain n’est, à proprement parler, qu’un surnom, et veut dire guerrier, homme de guerre. Tacite nous apprend qu’il était d’origine récente et avait été donné par les Romains à leurs belliqueux adversaires, qui s’étaient empressés de l’adopter[2].

Silvius Énéas Piccolomini, depuis pape sous le nom de Pie II, à la vue des grands accroissemens qu’avait pris la race germanique dans le cours des siècles, voulait faire dériver le nom des Germains de germinare[3], et, quelle que soit la valeur de ce jeu de mot étymologique, il est sûr que cette race a toujours eu une propension particulière à s’étendre au-delà de ses limites et à pousser dans tous les sens de nombreux rejetons. Il est intéressant d’étudier dans l’histoire ses divers mouvemens, ses déplacemens successifs semblables au flux et reflux de la mer, et la manière dont elle s’est répartie dans les vastes contrées qu’elle occupe. Les Germains, lorsque les Romains les connurent, avaient pour limites le Danube, le Rhin, la mer du Nord et la mer Baltique ; ils s’étendaient probablement à l’est jusqu’à la Vistule, au-delà de laquelle erraient les tribus sarmatiques ou slaves. On connaît leurs guerres avec les Romains, la défaite de Varus, les campagnes de Drusus et de Germanicus, etc. ; ces guerres

  1. C’est sur les Alemans que Clovis gagna la bataille de Tolbiac.
  2. Germaniæ vocabulum recenset nuper additum… ita ut omnes, primum à victore ob metum, mox à seipsis invento nomine Germani vocarentur. (Tacit., Germ.)
  3. Adeòque natio vestra germinavit ut nomen vestrum verius à germinando tractum putemus quam Straboni consentiamus, etc. (Œneœ Silvii Germania.) — C’est un livre des plus curieux à consulter sur l’état de l’Allemagne au XVe siècle. Voyez, sur Énéas Silvius Piccolomini et son voyage en Allemagne, la Revue des Deux Mondes, du 1er  septembre 1833.